En fait de sagesse, je ne sais pas grand chose. Rester humain, voilà où j'excelle

WANG WEI (701-761) excelle en peinture, en poésie et en musique. La tradition en fait le plus grand peintre chinois et l'un des trois plus grands poètes, avec Li Po (701-762) et Tou Fou (712-770) (tous trois sont d'exacts contemporains).
"Vieux, je peine à faire un poème,
La vieillesse est ma seule compagne.
Cette fois "poète" par erreur,
La vie d'avant je devais être "peintre"...
Ne pouvant renoncer à mes habitudes,
J'ai l'impression d'être "connu".
Mon nom et mon surnom sont parfaits -
C'est l'esprit qui reste l'inconnu."


Ce haut fonctionnaire mène une carrière brillante mais mouvementée sous la dynastie Tang. Ecarté plusieurs fois de la cour par des intrigues, il oscille d'illusions flatteuses en mortifiantes désillusions. Longtemps, il rêve d'imiter certains amis qui ont le courage de rompre avec le pouvoir.
En raccompagnant Tchang le cinquième qui s'en retourne à la montagne
"Vous raccompagner m'accable de dépit -
Qui raccompagnerai-je encore ?
Quelques jours main dans la main -
Puis vous vous époussetez, un beau matin...
Aux montagnes d'Orient, j'ai ma chaumière -
Bonheur que d'en frôler le vantail de ronces !
Je devrais démissionner, moi aussi,
Ne plus monter mon cœur contre mes actes..."


Wang Wei compare souvent sa servitude de jeune fonctionnaire avec sa maturité d'homme libre. Il décide de vivre en artiste bouddhiste, dans son domaine du val de la Jante.
"Jeune, je connaissais sans profondeur,
Renom et profit me forçant à l'étude. (...)
Veuf, j'aime suivre ma nature,
Craignant d'être sollicité par l'époque. (...)
La blancheur qui jaillit du bois d'Orient
Avive mon désir de quitter ce monde."


"De mes jeunes années rien ne sert de parler.
Quand j'ai connu la Voie, j'avais déjà de l'âge.
A quoi bon regretter le passé
Si je puis "cultiver" le reste de ma vie ?"
"La méthode de transmission de l'esprit
N'est que retour à discipline et recueillement."


Loin de la capitale, il exprime sur son luth, dans ses poèmes et ses peintures son amour de l'oisiveté méditative.
L'auberge des bambous
"Assis seul dans le secret des bambous,
Longtemps je siffle au chant du luth.
Au bois profond nul ne me connaît -
Je reflète la lune qui vient m'illuminer."


"Oisif, je peine sur un poème.
À la porte paraît un ami des Cinq Saules
Qui semble avoir déjà six vies."


L'amour de la nature est essentiel, rayonne dans ses œuvres. "Ses tableaux étaient des poèmes, et ses poèmes des tableaux" (Sou Tongp'o).
Ma villa au mont Tchong-nan
"Au cœur de l'âge, la Voie vous prend -
Ma tardive demeure est au mont du Midi.
La joie me vient - seul je m'y rends :
Le paysage est tel - l'esprit se reconnaît.
Je vais jusqu'où la source s'épuise
Et contemple la naissance des nuages...
Voici le semeur de fôrêts -
Nos plaisanteries n'ont pas souci du temps."


Pour égayer sa solitude, les rencontres sont précieuses : amis visiteurs, forestier, pêcheur...
Réponse au magistrat Tchang
"Au soir de la vie, je n'aime que la paix :
Les dix mille activités m'indiffèrent.
N'observant plus de règles éternelle,
Je ne sais que le retour au bois ancien.


Le vent des pins dénoue ma ceinture,
La lune des montagnes joue de mon luth.
Le principe de l'échec et du succès ?
- Le chant du pêcheur au creux des berges..."


Cheveux blancs
"Mon visage fleuri d'autrefois
est un sourire déclinant,
Mes cheveux blancs en un instant
sont devenus flottant duvet.
Tant d'ennuis en une vie
vous entament le cœur -
Que verrouiller, sinon
des portes vides ?"

lionelbonhouvrier
9

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le 13 sept. 2016

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