Mon destin aura été de vivre célèbre et ignoré. Je ne suis connu que de l'inconnu.



Fascinant de voir ce que Victor Hugo a pris de maturité, d'humilité et d'humanité en à peine dix années à travers ce recueil intitulé Litterature et philosophie mêlées et publié en 1834.


Litterature et philosophie mêlees nous permet de mieux connaitre ce Victor Hugo méprisé plus tard par de nombreux universitaires et intellectuels pour sa prétendue vacuité. Mais ce receuil ne semble pas avoir pour autre objectif que le recueillement et n'est pas un droit de reponse à l'attention de certains de ses contemporains et autres comptenteurs. Quoiqu'il ait sans doute en partie eu cet effet...
Ce sont des textes spontanées et sincères dont la plupart furent publiés dans des journaux de l'epoque.


Oui, aussi surprenant que cela puisse donc paraître rien de factice ici !


Il est évident que Litterature et philosophie mêlées participe bel et bien à rendre Victor Hugo plus attirant et admirable comme monument de la littérature française par son caractère souvent prophétique et parce que l'ensemble de ces textes prennent en poids et en sens avec le temps !


Apres la lecture de ce receuil on pourrait dire que Victor hugo est né en 1802 une première fois et qu'il naît une seconde fois en 1830.
En effet il semble pour acquis ici avec Littérature et philosophie mêlées que c'est précisément durant cette periode qu'est née la legende. Le Victor Hugo que l'on aime, que l'on encense et que l'on commémore. Celui que l'on admire pour ses convictions et son engagement politique, dont on voit les premiers balbutiements (avec son texte enragé "Guerre aux démolisseurs" rédigé en 1825), mais aussi pour la puissance de sa plume.


Car le jeune Hugo a peu en commun avec le Victor Hugo qu'on connait.


D'abord on peut constater, sous nos yeux, que sa plume s'enrichit considérablement.
Quand le jeune Hugo qualifie froidement Voltaire de transfuge dans un long pamphlet presque insipide le grand Hugo dit :



Les rois ont le jour, les peuples ont le lendemain.



C'est tout à la fois la phrase d'un révolutionnaire et celle de ce grand poète qui fut allé plus loin que personne à exprimer la poésie et l'esthétisme du langage.


Le plus impressionnant demeure son évolution idéologique.


Cette evolution, radicale, de 1819 à 1830 parait inexplicable si on ne la met que sur le compte du temps qui passe. De même que la disparition de sa fille Léopoldine en 1843 l'accablera jusqu'à la fin de son oeuvre d'un auguste fardeau. Il semble qu'on connaisse ce moment fatidique qui modifia si profondement la trajectoire de sa destinée. Il s'agit probablement de la mort de sa mère en juin 1821. C'est ce drame universel qui préfigure l'éloignement avec les idées maternelles sinon leur mort symbolique et qui semble, en partie, justifier le passage du monarchiste à l'apologiste des barricades. Ici commence sa longue marche vers 1849. Ce dont rend explicitement compte notre jeune Victor Hugo quand il explique qu'il tient ses convictions de sa mère et se remémore dans un texte de decembre 1820 ces paroles de son père :



Laissons faire le temps. L'enfant est de l'opinion de sa mère, l'homme sera de l'opinion de son pere.



Paroles admirablement prophétiques.


Cependant comme Littérature et philosophie mêlées nous en fait prendre conscience cette métamorphose ne demeure fondamentalement possible que parce si l'un et l'autre ont peu en commun, que si le Victor Hugo de 1830 est si différent du Victor Hugo de 1819, ce dernier porte en lui dès l'origine l'essentiel du mythe qu'il s'efforcera (porbablement) de devenir et qui permettra à la postérité de l'élever bien plus haut encore qu'à hauteur de ce qu'il est devenu au crépuscule de sa vie.



Peu d’écrivains ont aussi bien rempli que Walter Scott les devoirs du romancier relativement à son art et à son siècle ; car ce serait une erreur presque coupable dans l’homme de lettres que de se croire au-dessus de l’intérêt général et des besoins nationaux, d’exempter son esprit de toute action sur les contemporains, et d’isoler sa vie égoïste de la grande vie du corps social. Et qui donc se dévouera, si ce n’est le poëte ? Quelle voix s’élèvera dans l’orage, si ce n’est celle de la lyre qui peut le calmer ? Et qui bravera les haines de l'anarchie et les dédains du despotisme, sinon celui auquel la sagesse antique attribuait le pouvoir de réconcilier les peuples et les rois, et auquel la sagesse moderne a donné celui de les diviser ?



Juillet 1823



Litterature et philosophie mêlées est un trésor en soi mais qui peut aussi dépasser le seul cas de Victor Hugo, le seul cas d'un écrivain...
S'il est faiblement interessant d'un point de vu litteraire il est fascinant pour tout admirateur de ce monstre sacré puisque qu'on y retrouve aussi l'impétuosité d'un jeune homme à la confiance vacillante, inébranlable au-dehors et fragile au-dedans, parfois arrogant et meprisant mais aux immenses et impressionnantes qualités littéraires et ayant une lucidité sur son temps épatante*


*bien que son éloge panégyrique de Mirabeau (le traitre) et ses nombreux sarcasmes à l'égard de Robespierre ne manquent pas d'ironie...

Dirini_
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le 13 déc. 2019

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