Loar
6.9
Loar

livre de Loïc Henry ()

Aussi excitant qu'une partie de golf.

C'est comme vouloir plonger dans une pataugeoire. Ou encore vouloir frissonner d'alpinisme dans le Morvan. Vouloir faire la soirée de l'année à Cherbourg. Rencontrer l'amour à la soirée tartiflette de la commune du coin. Avoir du style avec son pull Sergio Tacchini. Vouloir faire de la boxe en étant manchot. Imiter Jimmy Hendrix avec une Squier. Aller voir Star Wars 7, impatient de voir un chef-d'oeuvre (lol). 
Ce n'est pas très sympa de commencer comme ça. Je voulais juste faire passer l'idée, que je peux résumer plus clairement comme ceci: "On s'attend à beaucoup, et l'on a peu.".

C'est une histoire de space-opéra. Je n'aime pas vraiment m'attarder sur des problèmes de classification, surtout pour des oeuvres comme celles-ci, qui au final empruntent autant dans la façon de développer le récit et construire sa scène à la fantasy, qu'au fantastique ou de manière plus évidente, la science-fiction. C'est l'histoire d'Emrodes, souverain de Loar, planète apparaissant comme le pendant principal d'une large balance, qui retrouve aux antipodes Melen, planète aux intentions pas vraiment amicales. Emrodes doit répondre à l'ultimatum lancé par le souverain de Melen: soit passer sous sa coupe, soit voire sa planète rayé de la galaxie par une mystérieuse arme qu'il vient de développer. On rajoute à ça plusieurs dizaines de protagonistes, et on a une base objective du roman de Loïc Henry.
Disons-le tout de suite, il y a beaucoup de choses désagréables dans ce bouquin. Je vais commencer par la principale: la fausse-complexité du bouquin. On a vanté ici ou là une grande intelligence de récit, une richesse complexe de l'intrigue, des stratégies et des personnages... Que nenni, pacotilles, mensonges, balivernes, il n'en est rien! Et c'est très agaçant de lire ça, alors que des auteurs ont fait tellement mieux, avant "Loar", ou après "Loar"... Le problème est simple: les protagonistes se comptent par dizaines, les planètes pareilles. Et ceci développe une scène extrêmement large, très attirante au départ. On nous promet un roman-fleuve, à l'univers gonflé à bloc et transpirant l'originalité. Mais Loïc Henry se loupe. Les intrigues, peu importe lesquelles, secondaires ou non, sont au final très simples et très lassantes. Mais elles sont nombreuses, d'où cette pseudo-complexité. La vérité étant que l'on peut aisément résumer chaque intrigue en quasiment une ligne.
Le tout apparait donc assez fade, peu stimulant pour l'esprit volontiers curieux et aventureux du lecteur de space-op. Des dizaines d'intrigues banales, redondantes et donc ennuyantes. Mais alors, rajoutez à cela le fait qu'en plus d'une intrigue pas complexe pour un sou, les personnages et les différentes cultures imaginées par l'auteur sont du même acabit. Et ceci se cristallise autour d'une manie détestable: chaque planète abordée, développée à un moment donnée, est un stéréotype ambulant, gênant l'oeil et blessant l'imagination. Je m'explique: on dirait une littérature de jeunesse de mauvais goût, tout est soit tout blanc, soit tout noir. Chaque planète ne semble chier qu'une seule catégorie d'habitant, tous les mêmes, sorte d'usines à clones... Par exemple: à Bihan, on a les espions et une société qui ne tient pas debout. On a que ça. Sur Latar, on ne forme que des mercenaires et des stratèges. Alors tous les Latars sont des mercenaires stratèges. Les spols, censés être originaux, sont en fait tous la copie du voisin. La périphérie fricotte avec les manipulations génétiques: tous sont adeptes de la manipulation génétique. A croire que chaque population décrite ne recèle aucune once d'originalité.

On en est à: des intrigues faussement-complexes et une platitude affolante de l'univers. On rajoute maintenant un manque cruel de fougue. Honnêtement, le livre passe très vite, on ne sent pas forcément le temps passer. Mais au fond, c'est quand même un peu ennuyant, et le lecteur à peu près impliqué dans l'histoire se désespèrera vite de l'absence d'élan héroïque dans le livre. Les batailles se résument à des énoncés laconiques, des compte-rendus de perte de vaisseaux... Je vous jure, chiante à mourir les batailles. Les stratégies militaires, c'est pareil. L'histoire des noeuds spass, c'est bien joli, mais ça n'est pas franchement folichon. Pareil pour l'ultimatum d'Asbjorn, souverain de Melen: c'est presque à mourir de rire la façon dont l'auteur évite ça, comme si de rien n'était.
Les situations sont figées et pas du tout immersives, donc. Vous rajoutez à cela une habitude particulièrement détestable de l'auteur de mettre toutes les pensées des personnages en italique, et vous avez franchement un résultat médiocre. Vraiment, faut pas pousser quand même: je peux vous dire que le mystère, il n'y en a pas, une fois que vous savez ce que chacun pense de qui ou de quoi.
La fin ne remplit même pas son contrat. On a l'impression que l'auteur a soudainement décidé de ne pas continuer, et de s'arrêter brutalement entre deux chapitres. Il bâcle ça avec une explication prévisible à 200km, que l'on souhaitait bien éviter.

Alors, il y a pourtant quelques avantages. Le premier, c'est que ça se lit assez bien, et qu'avec du recul, c'était un minimum divertissant. Le deuxième, c'est la plume de l'auteur, qui réussit volontiers quelques chapitres, quand il se laisse aller à un peu de fougue et de verve. Ensuite, l'ouvrage est beau (la couverture de Griffes d'Encre est magnifique).
J'ai un peu l'impression que Loïc Henry a peut-être visé un peu trop grand pour un premier roman. Je ne vois pas en quoi je serais légitime de juger son métier d'écrivain ou son talent, cela ne m'appartient pas de le faire. Mais en tant que lecteur, j'ai ressenti un potentiel agréable chez l'auteur, mais complètement anéanti par une intrigue et une progression linéaire, ennuyante et trop didactique... C'est marrant, c'était le deuxième ouvrage de Griffe D'Encre auquel je m'attaquais. J'ai appris que la maison d'édition a fermé ses portes depuis, ce qui est toujours regrettable pour nous lecteurs de l'imaginaire. Mais pour le coup, on ne peut pas dire que j'ai été convaincu par leur travail. Si les objets étaient sublimes (Lemashtu et Loar sont de très beaux objets-livres), je n'ai jamais réussi à passer outre le fait d'une sorte d'écriture débutante, didactique, fanfictionnesque à certains moments.

"Loar" ne m'a donc pas convaincu; en revanche, ce n'est pas le cas de tout le monde. On en a beaucoup parlé comme d'un coup de cœur, alors n'hésitez pas à le lire pour vous forger votre propre avis. Et si j'ai passé globalement un bon moment, on ne peut pas vraiment dire que ça m'a emballé...
Wazlib
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le 31 janv. 2016

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