Pour être honnête, parce que forcément ça va affecter un peu mon jugement, le livre m'a été offert par l'auteur.


Je crois d'ailleurs que je n'avais pas lu de polar depuis l'Ultime expérience, le premier roman de Bruce Benamran (et avant ça j'avais pas dû en lire depuis le lycée) et clairement j'aurais aimé prendre mon pied devant une enquête palpitante, avec du suspens et tout, mais en réalité je m'emmerde pas mal en lisant ça. En fait le bouquin est beaucoup trop long pour le peu qu'il a à raconter, ça tourne vite en rond et là où ça fait 450 pages, 200 auraient largement suffit, ça aurait permis de vraiment se recentrer sur l'action et de ne pas s'éparpiller en tentant plein de choses à la fois.


On suit plein de personnages différents, qui vont se suicider, mener une enquête ou être harcelés et en plus on va avoir des vraies anecdotes sur des gens qui ont été harcelés en ligne (la fameuse anecdote de la fille qui dit sur Twitter qu'elle va en Afrique du Sud en espérant ne pas attraper le Sida) et ça donne l'impression que la narration est découpée comme une série télé. On enchaîne les cliffhanger, avant un passage à une autre histoire et lorsqu'on revient enfin là où on a laissé le personnage en plein suspens, la situation est désamorcée de manière assez maladroite.


Tout ça donne un côté artificiel, je connais la mécanique, elle est bien huilée, mais elle ne surprend pas. C'est banal... En plus je ne comprends même pas comment l'intrigue est écrite, parce qu'en fait on apprend qui est le méchant super tôt dans le bouquin et ça fait que ça dure des plombes avant qu'on assiste enfin à la résolution de tout ça. Pas que je sois fan des coups de théâtre (au contraire), mais ça ne surprend pas, on lit ça et jamais, à aucun moment on a la moindre surprise.


Les personnages ne sont pas assez bien développés pour qu'on s'attache à eux, les situations sont beaucoup trop délirantes pour qu'on y croit et qu'on ait réellement peur pour les personnages. J'avoue avoir ri lorsqu'un mec que le tueur cherche à pousser au suicide est en train de longer les voies du TGV. QUELLE COÏNCIDENCE !!! Et il n'y a que des facilités scénaristiques comme ça. Les policiers qui sont super investis dans l'enquête (on a quand même un policier qui est là tout seul, sans sa collègue, pendant que l'héroïne qui est camgirl se touche devant la caméra), qui y croit ?


Et tant qu'on parle de branlette, j'ai trouvé le livre d'une rare pudibonderie alors qu'on parle quand même d'un livre où le métier de l'héroïne c'est de masturber devant sa webcam pour des mecs. Jamais il n'y a le moindre mot vulgaire, tout se fait en "rougissements" et en sourires gênés.


J'ai l'impression que ça a été écrit pour des gamins de 10 ans... (sachant que les ados lisent After, ils risquent pas d'être choqués par ça)


Alors au début c'est un peu marrant cette manière d'éviter le sujet de manière frontale dans le prologue où il est question d'une ado qui couche avec son mec et qui tombe enceinte. Tout est en euphémismes et en litotes, mais on finit quand même bien vite par se lasser.
T'es lecteur de polars, t'achète un truc sur une camgirl qu'on harcèle pour qu'elle se suicide : tu veux du scabreux.
J'ai la désagréable impression qu'on m'a refusé le plaisir de lire un truc scabreux.


Je ne sais pas si c'est moi, mais il m'a semblé qu'au début il y avait un effort d'essayer de faire de belles phrases et que plus ça va, plus c'est écrit n'importe comment. On a quand même pas mal de barbarismes ("pas d'offenses", "ça fait sens")... Mais aussi étrange que ça puisse paraître, ça se lit mieux lorsqu'il y a moins d'effets de style ou de tentatives d'effets de style parce que c'est beaucoup plus fluide, je me suis moins arrêté pour dire : ah je vois ce que t'as voulu faire, mais non, ça marche juste pas.


Genre ça tout au début : « [...] ils étaient très amoureux tous les deux et il n'avait jamais tenté quoi que ce soit qui la mette mal à l'aise. Alors ils avaient fini par coucher ensemble. »
Je vois l'idée, mettre une conclusion qui surprend un peu par rapport à ce qui était énoncé avant, mais juste là ça n'a juste aucun rapport. L'enchaînement ne fonctionne juste pas.


Et finalement je trouve le traitement de la thématique du harcèlement en ligne totalement hors de propos. Je veux dire, avoir un tueur qui se sert du harcèlement en ligne pour tuer (enfin pousser ses victimes au suicide), c'est finalement passer à côté de ce que c'est que le harcèlement en ligne (mettre un responsable, réellement mal intentionné, avec un côté diabolique), là où au contraire il aurait été plus intéressant de jouer sur le fait que les gens ne se rendent juste pas compte, qui lâchent leur petite insulte, leur petite menace, avant d'aller se faire beurrer la biscotte comme si de rien n'était.


Donc en fait le harcèlement de masse, ben on s'en fout un peu dans le bouquin, c'est totalement accessoire. Il y en a, mais vu que l'héroïne ne semble pas troublée par ça et arrive à l'ignorer, ben il a l'air d'avoir aucun impact. (et les autres victimes on les prend juste au moment où elles se suicident, donc on n'assiste pas au harcèlement)


Alors malgré tout ça se lit, principalement parce que ça ne demande aucun effort, mais quand même pour que ça soit correct il aurait quand même fallu jouer plus sur le mystère, recentrer tout ça (ou bien au contraire l'étirer afin que ces personnages aient un peu le temps d'exister histoire qu'on s'attache un peu à eux) et par pitié avoir un truc un poil plus vraisemblable dans le comportement des personnages, surtout les policiers...


Je tiens aussi à faire remarquer que le bouquin donne mille fois trop de détails sur des trucs informatiques dont on se contrefout (et dont tous les lecteurs, qui n'auront sans doute pas 70 ans, savent déjà), et on connaît l'astuce d'avoir un personnage qui ne connait rien en informatique pour permettre au lecteur de comprendre de quoi on parle... On n'est pas dupe. Je crois qu'à chaque fois je me suis senti insulté... et en plus ça ralentit le rythme.


C'est pas grave si le lecteur ne comprend pas tout le jargon, au pire si tu tiens vraiment à ce qu'il pige tout, mets une note de bas de page, mais surtout ne pas tout comprendre permet, si c'est bien fait et qu'on sent qu'on décrit une vraie manipulation et que c'est pas juste des mots balancés au pif, de donner un côté foisonnant au récit. Si je lis un bouquin de Crichton je ne suis pas obligé de tout comprendre aux propositions mathématiques qu'il avance. Ben là c'est pareil.


Bref, il y a encore du travail pour arriver à quelque chose de correct (en tant que polar qu'on lirait dans le train), mais c'est mieux que le précédent.

Moizi
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le 17 janv. 2022

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