Chronique du monde vu d'un terrier. Maniaque, s'abstenir.

C’est l’histoire de Madame Diogène, une vieille dame atteinte du syndrome qui porte son nom : le syndrome de Diogène, est une pathologie, un trouble du comportement conduisant à des conditions de vie négligées voire insalubres : négligence de l’hygiène, accumulation d’objets hétéroclites, déni de son état, isolement social et refus d’aide.


A travers ce portrait morbide et puissamment crasseux et chaotique, Aurélien Delsaux vise à nous montrer tout le symbole de notre société à travers cette femme. Cette vieille dame à la fois victime et réactionnaire de cette société de consommation laissant sur son passage un tas d’immondices dans lesquels cette vieille dame étouffe. Mais elle est aussi, peut être la première résistante de ce monde qu’elle regarde à travers sa fenêtre, témoin de cette société en déliquescence. Notamment le rapport des uns avec les autres qui parrait compliqué dans notre monde de choses, de tas de choses, qui est non sans rappeler la pièce Vis à Vis dont l’auteur en est le scénariste.


C’est en tout cas, peut être à travers la vie de cette femme répugnante, le témoin de l’humanité à l’image de Diogène, le philosophe grec qui préconisait une vie simple, plus proche de la nature et qui s’attaquait par là, déjà, aux valeurs du monde grec.


« Devant la baie, les choses sont bien tassées sous elle, ne bougent plus. Elle regarde à nouveau le monde et la vie se faire sans elle. Elle revoit d'autres spectacles jadis ici contemplés: des travaux, un accident, une bagarre, un viol, un casse.
Soudain de la bouche de métro sort une foule compacte. C'est comme dans un tableau ancien: la résurrection des morts, les corps qui surgissent d'une fosse, au son de la trompette de l'ange. Aucune joie pourtant n'irradie ces visages; ils sortent de nulle part, ils entrent dans les limbes, et tous veulent être les premiers, pour gagner au moins quelque chose : une première place, là où ils savent qu'il n'y a rien d'autre à gagner. Pour ça qu'ils se bousculent, s'écrasent, se mutileraient les uns les autres le jour où il le faudrait vraiment, sans pitié. Les plus faibles tomberaient aux pieds des plus forts, seraient foulés sous leur pas, exactement comme les grappes de la vigne, et leur sang sortirait d'eux comme un jus.
Elle en voit, émergeant à l'air libre, vérifier si c'est bien là qu'ils doivent être. Tous s'accrochent à un sac, une mallette ou, les mains dans les poches, à leur manteau ou leur pantalon.
De plus en plus ils ont des casques sur les oreilles (elle remarque), des fils pendent à leur cou, ils parlent seuls. De plus en plus ils ressemblent aux images des publicités, comme des jouets qui auraient une forme véritablement humaine. Est-ce qu'ils portent encore des noms, chacun, est-ce qu'ils appartiennent encore tous à la même espèce - elle se demande. De plus en plus ils s'ignorent »

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Créée

le 16 févr. 2016

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