Sans cible

Difficile à classer dans une bibliothèque (SensCritique le considérait comme un « livre de règles » et ce n’est pas le choix le moins justifiable !), et pour tout dire impossible à noter, ce manuel vaut surtout comme curiosité. Publié en pleine guerre froide, originellement destiné à la protection civile et à la police britanniques mais finalement accessible à tous, il ne dut pas convaincre grand-monde – c’est du moins à espérer. En effet, on y apprend notamment que lorsqu’une explosion atomique se produit à l’horizon, il ne faut surtout pas la regarder… (Oui, c’est la même histoire que celle du condamné à mort dont on désinfecte la seringue avant l’injection létale, sans l’objection de la dignité humaine.)
Autant dire que l’humour qui se dégage de l’ensemble (si, si !), s’il est peut-être de l’humour anglais (la présence d’une théière dans le matériel de première nécessité !), est avant tout un humour involontaire. Du coup, s’il y a quelque chose de satirique dans ce Manuel, c’est une satire qui n’a pas de cible précise. S’il est difficile de rire d’un public qui serait assez crédule pour se croire à l’abri parce que « la radioactivité s’amenuise rapidement avec le temps » (p. 23) – proposition qui n’est pas entièrement fausse en l’occurrence… –, peut-on simplement se moquer d’une organisation étatique qui rappelle par ailleurs que « l’ébullition ne rend pas potable l’eau contaminée par des retombées radioactives » (p. 41) ?
Et c’est l’humain dans son ensemble qui n’en sort pas grandi.