Minnow
6.8
Minnow

livre de James E. McTeer II (2015)

Minnow, dont un pêcheur traduirait le nom par blanchaille, c’est le héros de ce récit, une douzaine d’années à tout casser et pas beaucoup plus de bon sens qu’un Petit Poucet au début de l’histoire. Et s’il est plutôt attachant, ce n’est pas forcément affectivement, mais presque de force, notamment parce que sa naïveté recoupe forcément l’innocence présumée du lecteur : les réponses aux avertissements qu’on lui adresse et aux questions qu’on lui pose pourraient être celles du lecteur face à l’auteur : « “Fais attention. Ici, c’est pas comme en ville. / – Je sais m’sieur. / – Non, t’en sais rien du tout.” » (p. 77) ou « “[…] Et là, tu as peur ? / […] “Non, m’sieur. J’ai juste un peu l’impression d’être dans un autre monde.” » (p. 158).
Sa mission ? Chercher un médicament pour son papa. Le cadre ? Une sorte de Louisiane ou de Caroline du Sud floue, entre le Mississippi de Tom Sawyer et… et je ne sais pas trop où. Les autres personnages ? Des gentils, des méchants, des morts, des vivants, et un certain nombre dont on ne sait pas s’ils sont gentils ou méchants, morts ou vivants. Des fantômes peut-être : « Toute la scène se déroula dans un brouillard peuplé d’ombres » (p. 87).
Minnow présente un drôle d’univers, intrigant à coup sûr, mais qui m’a paru soit trop confus, soit pas assez pour qu’on s’y immerge pleinement. Et au bout du compte / conte, pas assez étrange pour être marquant tout du long. Peut-être cela vient-il du fait que ce n’est ni tout à fait un roman, ni tout à fait un conte, empruntant à l’un et à l’autre genre. (Un autre livre récent qui navigue entre les deux, et qui m’a semblé plus réussi, c’est Refuge 3/9, d’Anna Starobinets.)
Ce n’est pas l’entre-deux en tant que tel qui gêne ici, mais surtout le manque de rythme qu’il paraît impliquer – en particulier dans le deuxième tiers du récit : le héros patauge, le lecteur aussi, manquant de s’enliser dans le marais. Quant à la fin,


qui n’est ni une véritable fin ouverte de roman, ni un retour à la normale de conte


, ce n’est pas le moins bon passage du récit. Le héros a changé. Le lecteur n’a pas perdu son temps, il l’a juste… employé différemment.

Alcofribas
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le 4 mai 2020

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Alcofribas

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