Moi, Confucius
6.9
Moi, Confucius

livre de José Frèches (2013)

Voilà un ouvrage à la forme un peu particulière, sans doute discutable, et au fond intrigant mais décevant.


La forme tout d’abord : d’entrée de jeu, José Frèches nous indique qu’il ne s’agit ni d’un essai ni d’un roman mais plutôt d’un « petit manuel de sagesse à l’usage de tout un chacun ». L’auteur s’est appuyé sur les Entretiens (de Confucius), mais il reconnaît avoir pris des libertés pour essayer de nous présenter à la fois la Chine de Confucius, mais aussi l’homme qu’il fût, car il semble y avoir pas mal de trous dans ce que l’on sait de sa vie. Il a par exemple fait l’hypothèse pour son récit que Confucius aurait perdu son père très tôt. Voilà qui me parait discutable, et assez pénible aux yeux de l’étudiant en histoire que je fus naguère. Je n’interdis à personne d’écrire un roman, d’inventer, mais je suis un peu rigide sur le plan de la méthode, et si l’auteur pense n’avoir trahi ni la pensée ni la personnalité de Confucius, tout cela ne me semble pas très rigoureux, d’autant plus que Frèches l’appelle « le maître » et qu’il a manifestement l’ambition de s’opposer à toute une série d’ouvrages critiques. A lire Frèches, j’ai un peu l’impression qu’il décrit le Confucius de ses rêves, plutôt que l’homme qu’il fût, même s’il n’est pas dans l’hagiographie, loin s’en faut. Honnêtement, je n’ai pas les connaissances me permettant de savoir concrètement ce qu’il en est, mais la forme de l’ouvrage ne m’inspire pas une grande confiance. D’autant plus qu’il se présente comme une autobiographie, le texte étant écrit à la première personne, procédé qui frise parfois le ridicule, notamment à la fin quand Confucius s’exprime après sa mort, comme un revenant, et qu’il se compare au lecteur qui joue au loto comme lui implorait jadis la protection de ses ancêtres. Assez médiocre…


Un des éléments importants mis en avant par l’auteur est la volonté de Confucius de conseiller les princes. Et quand on regarde le parcours de Frèches, on s’aperçoit que lui aussi a conseillé des princes, Jacques Chirac, ou Nicolas Sarkozy. Finalement, quand il fait parler Confucius à la première personne, quand il affirme pouvoir conseiller les princes pour les mener dans la voie d’un bon gouvernement, ne s’agit-il pas de lui-même dont il parle ?


C’est ce que j’aurais tendance à croire : ici, Frèches parle peut-être davantage de lui-même que de Confucius, on a là son interprétation de la vie et de la pensée de Confucius, plus que des éléments solides sur le grand homme : le propos me parait extrêmement subjectif (et pourquoi pas ?). L’ouvrage n’est pas exempt de références à la politique française de ces derniers années : au-delà du titre, on apercevra « l’ordre juste », et on pourra voir qu’un bon prince n’hésite pas à « prendre des mesures impopulaires lorsque c’était nécessaire pour le bien du peuple ». Voilà une vision assez négative du « peuple » qui, il est vrai, n’est pas le même en Chine durant l’Antiquité et en France aujourd’hui. On ne peut tout de même penser à la politique de Sarkozy soutenue par Frèches dont il fut un conseiller…


Au final, l’ouvrage permet quand même d’entrevoir la philosophie de Confucius, ses réflexions sur les principes d’un bon gouvernement, sa définiton de l’Homme de bien, Frèches nous le présente un peu comme un Socrate, qui interroge à brûle-pourpoint ses disciples. Le souci est que Frèches met dans la bouche de Confucuius des concepts et expressions qui ne lui sont pas contemporains, il parle d’intellectuels, d’humanisme... Ca me dérange un peu que Confucius parle comme un homme de notre temps…


L’ouvrage se termine par une série d’aphorismes et de réflexions sans grand intérêt. Présenter l’ensemble comme un manuel de sagesse me parait au final bien présomptueux !


Il s’agit donc pour moi d’un texte un peu léger mais qui reste une bonne incitation à approfondir notre connaissance de Confucius.

socrate
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le 30 mai 2017

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socrate

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