Nana
7.4
Nana

livre de Émile Zola (1880)

"À neuf heures, la salle du théâtre des Variétés était encore vide."

Zola poursuit dans ce neuvième tome des Rougon-Macquart sa description du Second Empire. Son thème de prédilection, la putréfaction du corps social (terme qu'il emploie à plusieurs reprises), prend ici pour terreau l'aristocratie, et en partie la très grande bourgeoisie. Nana, bien sûr, est celle par qui le scandale arrive, par qui la propagation se fait. Ce livre est donc la parfaite continuité de l'assommoir. On y suivait déjà Nana sur quelques chapitres, et le thème abordé dans Nana touchait dans l'assommoir le peuple, les ouvriers... C'est finalement tout autant la décadence d'un régime que de l'hérédité dont il s'agit dans ces deux romans, qui sont indissociables l'un de l'autre. Les deux livres sont d'ailleurs assez semblables dans leur construction et il y a relativement peu de descriptions, tournant littéraire entamé à partir de Son excellence Eugène Rougon. Pas de deuxième tiers uniquement descriptif, d'un bloc, mais davantage de courtes descriptions disséminées dans les différents chapitres, eux-mêmes consacrés à des épisodes de vie (la pièce de théâtre, les courses, le dîner...). Le livre est donc facile à lire et plus romanesque que les cinq premiers opus.


Zola conserve néanmoins toujours ses petites obsessions et ses défauts : celui d'insister lourdement sur le message qu'il veut faire passer. De temps en temps, se rappelant que l'hérédité est le fil rouge du cycle des Rougon, il rappelle les ancêtres et les défaillances de leur sang au lecteur. Il insiste lourdement sur le thème de la déliquescence des aristocrates, employant des mots assez forts, pour être bien certain que le lecteur comprenne. Et puis, une certaine outrance, notamment dans l'avant dernier chapitre, où les hommes deviennent quasiment des bêtes, coincés entre leur rang et la religion, où Nana ("qui reste bonne fille") leur prend tout, argent et dignité inclus.


On pourra noter que Zola a une haine : Offenbach. Les descriptions des opérettes chantées aux Variétés, rappellent les succès du compositeur (La belle Hélène, La Grande-duchesse de Gérolstein) et Zola fait passer son dégoût pour cette musique qui représente visiblement à ses yeux tout ce qui ne va pas dans ce monde, s'offusquant que les princes étrangers venus pour l'exposition universelle de 1869 puissent s'abaisser à un tel degré de vulgarité. Ces passages, qui dénotent tout de même une pensée assez petit-bourgeois de la part de Zola, m'ont fait sourire, appréciant particulièrement la Belle Hélène. Mais je ne suis pas une aristocrate, ce qui m'excuserait peut-être aux yeux de Zola.


Je trouve que c'est, avec L'assommoir, le roman le plus personnel que j'ai lu de Zola (pour l'instant). Contrairement aux premiers tomes, où je ne sentais pas vraiment la présence de l'auteur, mais au contraire une écriture assez distanciée du sujet, très clinique, très naturaliste, très neutre, Zola ici se risque à donner son opinion, à dévoiler sa personnalité, plutôt qu'à se cantonner à la mise en scène de l'hérédité.


Cet opus demeure un excellent roman, malgré quelques défauts.

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le 23 juin 2016

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cecile0187

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