Nos âmes la nuit
7.5
Nos âmes la nuit

livre de Kent Haruf (2015)

Décédé en 2014, Kent Haruf faisait partie de ces auteurs américains issus de l’Amérique profonde, attachés à leur terroir et à l’authenticité de leur région. D’une rare discrétion, l’écrivain originaire du Colorado n’a jamais été un auteur très prolifique, mais chacun de ses romans est une petite pépite d’humanisme et de sensibilité. C’est donc sous l’oeil à la fois acéré et bienveillant d’un auteur qui se plaît à observer le quotidien des gens simples et ordinaires, que la petite ville de Holt revit à nouveau, pour notre plus grand mais hélas ultime plaisir.


Addie et Louis sont voisins et retraités, tous deux ont vécu une vie longue et riche, mais depuis le décès de leurs conjoints respectifs la solitude a fini par s’emparer de leur quotidien. Alors Addie demande un jour à Louis de lui tenir compagnie la nuit. Oh, rien de fripon dans cette proposition, juste le besoin de ne plus passer ses nuits seule, entourée par les vieux objets qui ont marqué si longtemps sa vie et transpercée par le souffle glacée des nuits hivernales. Alors Addie a songé à Louis, un homme calme, responsable et qui saura peut-être l’écouter et partager ses doutes comme ses joies. Et contre toute attente, Louis accepte la proposition d’Addie. Le soir venu, il traverse son jardin et vient frapper à la porte d’Addie, qui l’accueille dans son intimité. Couchés l’un près de l’autre, ils bavardent, se tiennent la main chastement et évoquent leurs vies respectives, la disparition de leurs conjoints, leurs doutes, leurs peines et leurs regrets. Peu à peu, s’installe l’intimité, Addie et Louis se construisent une vie commune alors que grandit leur amour, d’abord timide puis libéré de toute contrainte. Évidemment, leur relation provoque un certain émoi parmi la population de Holt, certains s’offusquent de l’indécence de la situation et leurs enfants tentent de les éloigner l’un de l’autre, comme si l’amour entre deux personnes consentantes était une offense passé un certain âge. Un petit baiser chaste entre deux vieillards suscitera probablement en société un sourire amusé, mais imaginer que les mêmes personnes puissent avoir des relations sexuelles à un âge avancé provoque des réactions que l’on croyait d’un autre âge (tout du moins dans une petite ville du Colorado).


Ce très court roman, écrit d’une plume simple et pour le moins économe en figures de styles et autres artifices d’écriture, n’est probablement pas le roman le plus impressionnant de Kent Haruf, mais la profondeur des questions qu’il suscite n’a d’égal que la puissance de son propos. Avec pudeur, mais sans tabou, l’auteur américain ose parler d’amour physique entre deux personnes âgées, et le moins que l’on puisse dire c’est que Nos âmes la nuit est une véritable leçon de vie, une ode à à la tolérance qui n’avait rien d’une évidence. A la fois drôle, poétique et tragique, mais tout en retenue, cet ultime roman de Kent Haruf clôt avec justesse le cycle que son auteur avait consacré à la ville de Holt (imaginaire, faut-il le rappeler).

EmmanuelLorenzi
8
Écrit par

Créée

le 25 avr. 2017

Critique lue 411 fois

1 j'aime

Critique lue 411 fois

1

D'autres avis sur Nos âmes la nuit

Nos âmes la nuit
EmmanuelLorenzi
8

Critique de Nos âmes la nuit par Emmanuel Lorenzi

Décédé en 2014, Kent Haruf faisait partie de ces auteurs américains issus de l’Amérique profonde, attachés à leur terroir et à l’authenticité de leur région. D’une rare discrétion, l’écrivain...

le 25 avr. 2017

1 j'aime

Nos âmes la nuit
Cortex69
6

Critique de Nos âmes la nuit par Cédric Moreau

Nos âmes la nuit est un court roman qui ne m'a pas pris plus de deux ou trois heures de mon temps pour en venir à bout. Il narre l'histoire de deux septuagénaires, Addie et Louis, veufs depuis de...

le 6 déc. 2016

1 j'aime

Nos âmes la nuit
jerome60
8

Critique de Nos âmes la nuit par jerome60

Holt, Colorado. Addie frappe à la porte de son voisin Louis pour lui demander s’il accepterait de venir dormir avec elle certains soirs. Pas pour le sexe, simplement pour discuter, pour « passer le...

le 14 oct. 2016

1 j'aime

Du même critique

L'Insoutenable Légèreté de l'être
EmmanuelLorenzi
8

Critique de L'Insoutenable Légèreté de l'être par Emmanuel Lorenzi

Je ne me souviens pas exactement pour quelles raisons j’ai eu envie de me frotter à l’oeuvre de Milan Kundera, et en particulier à son roman phare : L’insoutenable légèreté de l’être. Il y a...

le 2 mai 2019

24 j'aime

12

La Compagnie noire
EmmanuelLorenzi
5

Critique de La Compagnie noire par Emmanuel Lorenzi

L’écrivain américain Glenn Cook est surtout connu pour être l’auteur du cycle de la Compagnie noire, une série à succès que d’aucuns affirment classer dans la dark fantasy. On n’épiloguera pas ad...

le 8 nov. 2012

18 j'aime

10

The Bookshop
EmmanuelLorenzi
8

Une fausse comédie romantique britannique, plus subtile et délicate qu'il n'y parait

Les films qui évoquent les livres ou le travail de libraire ne courent pas les rues, The Bookshop fait donc un peu figure d’ovni dans un paysage cinématographique qui tend à oublier d’où provient son...

le 10 janv. 2019

17 j'aime

33