...mais on parvient quand même à faire bonne chère

Thomas Lieven : ce bouquin hors normes, écrit au début des sixties, est centré sur la vie (aventureuse) du susnommé, qu'il chronique de 1939 à 1957. Bon certes, l'époque, notamment dans ses premières années, fut pour le moins troublée. Et Thomas Lieven, bon vivant, humaniste voire pacifiste, est, malgré ces qualités, loin d'être un saint. Banquier de son état lorsque l'histoire débute, c'est avant tout un escroc de haut vol, capable d'extorquer très rapidement des millions à ceux qu'il pigeonne. Un créatif, en quelque sorte. Après, n'allez pas croire que je considère tous les banquiers comme des escrocs. Quoiqu'il en soit, Thomas Lieven est sans doute l'un des personnages les plus extraordinaires de l'histoire du roman d'espionnage.


Alors "On n'a pas toujours du caviar" : roman d'espionnage ou non. Oui, sans doute, en raison de son scénario, puisque Thomas Lieven est recruté ou sollicité pour l'être tour à tour par les services secrets allemands, français, anglais, étasuniens et russes. Mais toujours à son corps défendant, parce que ses recruteurs savent être très persuasifs (ou ne lui laissent jamais le choix, ce qui revient au même). Mais notre escroc humaniste parvient toujours à accomplir ses missions en faisant couler le moins de sang qu'il est possible de la faire.


Mais s'il y a un peu d'Ambler dans ce bouquin, de par l'époque traitée et la description par le menu d'opérations commerciales ou financières, l'angoisse et la tension que ce dernier excelle à dépeindre sont ici absentes. Thomas Lieven, littéralement sur autre planète, affronte les affres et tourments de l'Histoire avec classe et élégance, alignant les conquêtes féminines et les bons gueuletons, et parvenant à se tirer de toutes les situations grâce à son astuce et son entregent. Ca reste donc sur un ton très léger, tout au long du livre. Même lorsque Thomas Lieven est torturé par la gestapo. Et nous avons droit en prime et assez régulièrement, aux recettes de cuisine favorites de notre héros.


Du coup, j'hésite à classer ce bouquin dans la catégorie du roman d'espionnage. Et c'est ce qui fait son charme et sa force : c'est une œuvre inclassable, originale. Néanmoins très solidement documentée sur le plan historique. Il faut dire que Simmel sait de quoi il parle : son père fut contraint par les nazis de travailler sur les V1 et V2, qu'il s'ingénia à saboter du mieux qu'il put. Et, de fait, ce livre se conclut, dans son épilogue, par une curieuse mise en abyme, dont les toutes dernières pages sont un plaidoyer pour la paix et contre les galonnés et les dictateurs. Une lecture certainement salutaire, de nos jours.

Marcus31
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le 26 mai 2018

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