Johann Zarca avait pourtant un bon sujet : un Français expatrié en Thaïlande se retrouve parasité par le démon – le phi – qui a eu raison de sa femme. Racontée par un écrivain – sans aller jusqu’à un Lovecraft, mettons un Palahniuk –, cette histoire de possession aurait eu de la gueule. Mais Johann Zarca est-il un écrivain ? Oui, si on considère qu’il a écrit un livre… Et même un très bon, si on considère que la littérature est une question d’imagination et d’idées. Mais un très mauvais si on considère qu’elle est une question de mots.
Johann Zarca a tendance à se prendre pour Céline ou Conrad. Johann Zarca croit qu’il suffit de balancer quelques mots crus çà et là pour écrire comme Céline, de raconter une descente aux enfers pour écrire comme Conrad. Johann Zarca veut se placer dans une modernité trash mais les bribes de langage familier de son roman rapprochent Phi Prob des romans de Simonin ou des dialogues de cinéma d’Audiard, alors qu’on était en droit de s’attendre à une vraie recherche sur la langue – le langage contemporain d’une réalité contemporaine dans un roman contemporain, tout ça, tout ça.
Ici, aucune « petite musique » de la langue. L’idée en germe au début du récit – le phi prend de plus en plus la parole au personnage à mesure qu’il étend son emprise sur lui – est finalement sous-exploitée. Comme l’intrigue tend à se traîner en longueur, notamment à cause de son caractère prévisible, comme la misanthropie du narrateur tourne à vide, et comme il n’y a pas non plus de véritables pistes de réflexion quant au « hors-texte » – sur la Thaïlande réelle, sur ce que les personnages y cherchent, sur ce qui les a menés là – Phi Prob est au bout du compte extrêmement pauvre.