Platonov
8
Platonov

livre de Anton Tchékhov (1882)

La décadence de l'empire russe appliquée à la jeunesse désoeuvrée

Une œuvre puissante issue du cerveau (et des tiroirs) d'un jeune dramaturge encore en gestation. Il faudrait sept heures pour jouer la pièce dans sa version intégrale.

Les deux premiers actes semblent à première vue servir uniquement l'exposition des personnages et des enjeux. Mais ils sont si bien écrits (dialogues aux petits oignons) que même s'ils prennent les trois quarts de la pièce, le déséquilibre est parfait. C'est un tableau précis de l'aristocratie russe, ruinée, perdue, sans repères. Une lutte entre anciens et jeunes qui commence d'abord par des débats policés ou des allusions et qui finit par prendre le pas. Chaque personnage est à sa place, chaque pistes envoyées par Tchekhov est noyée dans un flot de circonvolutions pour mieux tromper le lecteur et quand bien plus tard, tout se résout, on est abasourdi par tant de maitrise.

Moi qui suis pourtant éprouvé par les cliffhangers les plus stressants, la fin de cet acte II fleuve reste un moment intense. Je ne peux pas dire grand chose sans gâcher la découverte. Il faut le lire, pour ses défauts de jeunesse, pour ses personnages parfaits (Triletski qui passe toute la pièce à hurler, Ossip, les femmes), pour son ambiance fin de siècle, pour son éthylisme qui avale tout, pour ses saillies, pour ses décors, pour ses intrigues en sous-marin... Et bien évidemment pour ce personnage central qui donne son nom à la pièce, faute de titre sur le manuscrit. Un personnage qui résume parfaitement toute l'aristocratie russe, mais qui porte ses propres démons, ses propres erreurs et qui entraine tout le monde dans son sillage. Grace à son charme, sa roublardise, son intelligence, son charisme...

Un livre qui m'a réconcilié avec le genre théâtral. Genre que j'avais mis au placard suite aux cinq études successives de Tartuffe au collège et au lycée. Une élégante manière de dire que la littérature c'était pour les neuneus qui ne savaient pas résoudre des équations à trois inconnus.

Maintenant il m'en faut plus.
MrShuffle
10
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le 27 mars 2011

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MrShuffle

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