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Le titre et l’image en première de couverture laisse penser que l’ouvrage sera pénible à lire. Il l’est en quelque sorte, mais pas pour la raison imaginée…


On ne peut que féliciter la démarche de l’auteur : infiltration dans des laboratoires français, rencontres et interviews de diverses personnes liées au « marché » de l’expérimentation animale. Il faut du cran, il faut de la volonté et comme l’avoue l’auteur, on n’en sort certainement pas indemne. Chapeau bas, madame ! Peu en serait capable, moi le premier…


Mais si je loue l’effort, je suis vraiment plus modéré, voire complètement déçu par l’ouvrage qui en résulte.


Outre sa mauvaise qualité littéraire (il s’agit davantage d’un style parlé, pénible à lire), le livre manque cruellement de structure. Le lecteur se perd un peu dans ce patchwork de moments vécus avec les militants de la cause animale, d’histoires (trop brèves !) avec les animaliers, de réflexions générales, de confessions intimes, de rapports de documents liés au sujet, de descriptions de faits, de listes de questions d’ordre philosophique et éthique qui n’aboutissent à aucune véritable proposition de réponse… Là où le lecteur a besoin d’être ému, de se sentir percuté dans toute sa chair, de se révulser au point de vouloir hurler (comme l’auteur dans sa baignoire – p. 220), il se voit plutôt agacé car il se perd dans ce texte mal mené ; il voit rarement avec clarté où l’écrivaine veut aller. En somme, une pensée mal conduite, un comble pour une philosophe…


Certaines phrases choquent par leur naïveté, ou par leur peu de responsabilité. Madame Jougla, si vous écrivez un livre sur l’expérimentation animale, évitez d’écrire de telles pensées : « Il existe pourtant plusieurs méthodes substitutives aux animaux. Parmi celles-ci, en voici trois (ce n’est pas très amusant à lire, mais c’est important) […] » p. 25 Qui donc s’attend à s’amuser en lisant pareil livre ? Pourquoi cette phrase entre parenthèses qui dévoile sans doute votre état d’esprit ? Parce que dans ce livre, il manque moult données et explications plus abouties. Qu’en a affaire le lecteur de sujets effleurés ? L’auteur passe complètement à côté de ses intentions…


On déniche aussi des approximations ou des erreurs, comme avec le « saut d’exon » : « (le saut d’exon étant ce qui pose problème à la lecture correcte du gène) » p. 109 Pas très didactique… et pas très juste non plus. Et des passages peu didactiques, il s’en trouve d’autres…


Le lecteur a également droit à des réflexions surprenantes, telle que : « Il y a quelque chose d’un peu enfantin à vouloir défendre les animaux. Quelque chose de touchant et de fragile. Peut-être que les militants nous renvoient à l’archétype de l’arche de Noé, sauvant du déluge ceux qui méritent (sic !) d’être sauvés. Les militants sont des enfants qui n’ont pas renoncé. » p. 16 Ou à des généralités un peu faciles : « Quel était le point commun que je partageais avec de nombreux militants que j’avais connus ? C’est soudainement, dans le métro, que je visualisai le patchwork de tous les portraits des militants que je connaissais. Et tout m’est apparu clairement. Beaucoup avaient été victimes auparavant de souffrances, de carence affective ou de mauvais traitements. » p. 58 Euh ?... Je fais partie, à mon modeste niveau, des défenseurs des « sans-voix », pourtant je n’ai jamais dû subir souffrances, carences affectives ou mauvais traitements… Mais la révélation de ce lien réducteur, voire caricatural a assené à l’auteur « un coup de poing dans le ventre. À [lui] couper le souffle. » p. 59


C’est un autre reproche que je souhaite formuler à l’auteur : le livre se situe trop sur le plan du « je ». Certes, l’avis d’une personne importe évidemment, mais le lecteur ne cherche pas forcément à connaître tous les méandres de la construction de cet avis. D’ailleurs, ce « je » n’amène pas une pensée philosophique ou éthique claire, le lecteur reste dans le vague. Autant on suit les aléas intimes du « je », autant ce « je » fait l’impasse sur les réflexions intellectuelles, sur les remèdes aussi pour contrer la perpétuation de l’expérimentation animale. Chaque fois que l’auteur traite de généralités, elle fait référence à d’autres auteurs, notamment à Peter Singer. Et à vrai dire, on préfèrera nettement les écrits de Singer, beaucoup plus aboutis, beaucoup plus documentés et capables de favoriser la réflexion personnelle et le débat. Ici, madame Jougla n’apporte rien ; au contraire : elle enlève toute la sève qui rend vivantes les pensées de Singer (cf. La Libération animale).


Est-ce à dire que le livre est inutile ? Je ne le pense pas. Il apporte quand même quelques menus éléments, notamment sur ce que peut encore être l’expérimentation animale de nos jours. On y découvrira aussi une version plus intime de ces animaliers, pas forcément tortionnaires (Audrey Jougla ne se limite pas à une vision manichéenne gentils militants – méchants expérimentateurs). Cet ouvrage permettra aussi à des personnes étrangères à cette problématique (« problématique » étant ici un euphémisme…) d’entrer en contact avec cette réalité étouffée par les diverses multinationales concernées, par les politiques, par les œuvres caritatives (ex. : Téléthon cité par Jougla) et par les expérimentateurs eux-mêmes. Néanmoins, on ne peut s’en contenter, loin de là ! Ce livre pourrait donc constituer une introduction. Par contre, les lecteurs ayant déjà quelques notions sur l’expérimentation animale devraient ne pas y trouver de quoi motiver davantage leurs prises de position. Au moins – et il faut le souligner – on découvre sur le site http://www.animaldelaboratoire.com/ que quatre associations défavorables à l’expérimentation animale percevront l’intégralité des droits d’auteur ! Un moindre regret d’avoir acheté ce bouquin…


Pour résumer, je préconise La Libération animale de Peter Singer, même si elle date de 1975. On y trouve davantage d’informations, de réflexions philosophiques et éthiques toujours actuelles, ainsi que des méthodes pour s’opposer chacun à son niveau à ces usages ignobles des animaux non humains. Maintenant voilà, pour ceux qui ne trouvent pas « amusant » de lire quelque chose de plus complet et abouti…


En somme, je dirai que l’on peut être « grand public » tout en ne sacrifiant pas la rigueur intellectuelle… mais ce n’est pas le cas avec le livre d’Audrey Jougla.


Salyanov5

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le 2 sept. 2016

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