Lecture exigeante d'un roman exigeant d'un auteur exigeant.


Lecture qui requiert une attention soutenue et ne peut se satisfaire d'une concentration volatile. L'immersion ne fut pas simple, il fallut passer l'écueil des cent premières pages pour m'acclimater au style maniéré, limite précieux, style cependant nécessaire pour pénétrer en profondeur dans la sphère sélect de la gentry anglaise. le genre de crash-test qui fait dire que ça passe ou ça casse. Dans mon cas, c'est passé et le fait qu'il s'agisse d'une lecture commune a contribué à me faire tenir ferme la barre.


On ne peut s'étonner de voir figurer "Retour à Brideshead" parmi le top BBC des livres préférés des Anglais puisqu'il brosse une grande toile d'ambiance de ce qu'était encore la upper class britannique avant la Seconde Guerre Mondiale. L'entre-deux-guerres est véritablement cette période charnière pendant laquelle tout a basculé et après laquelle plus rien ne sera plus jamais comme avant. Intimiste, sobre et pourtant fastueux à sa manière, l'environnement des personnages prend sous la plume de l'auteur un relief unique, peut-être parce qu'il est question de peinture et d'esthétisme tout au long du récit, le personnage principal – et également narrateur – étant lui-même artiste peintre ?


"Retour à Brideshead" n'est pas un huis-clos comme pourrait le faire penser son titre qui évoque le nom d'une de ces grandes demeures aristocratiques anglaises nichées dans un vallon arboré d'un superbe parc où coule une rivière paysagée elle-même enjambée par des ponts rustiques faussement campagnards et terriblement romantiques. Plus largement, le roman est très ouvert sur l'Europe voire les Amériques, c'est à la fois une prise de pouls et une prise de température à l'heure où ça commence sérieusement à chauffer en Espagne et en Allemagne.


Il se dégage tout de même des personnages cet esprit de suprématie qui habite les Britanniques et qui fait un peu grincer les dents (des Français surtout) mais une fois qu'on s'est habitué au style métaphorique, parfois ampoulé (limite snob) mais en réalité terriblement humaniste, on peut se détendre et se laisser charmer par une atmosphère à la croisée des chemins de la série Downton Abbey, du film Gosford Park (tiens, tiens, d'ailleurs, série et film ont le même scénariste), ainsi que des romans "Les vestiges du jour" de Kazuo Ishiguro et "L'amant de Lady Chatterley" de D. H. Lawrence.


Un voyage littéraire plutôt ardu à la munificence surannée mais que je suis heureuse d'avoir entrepris.

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le 10 janv. 2021

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Gwen21

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