Ah, toi aussi, fan de Star Wars et surtout, de Knights of the Old Republic, tu es venu ici dans l'idée de découvrir ce qu'il est advenu de Dark Revan, devenu officiellement Revan tout court, puisque Jedi devenu Sith, il embrassa à nouveau le Côté Lumineux pour défendre la République et disparaître au-delà des Mondes Connus pour aller affronter la menace des Vrais Sith, danger fantomatique veillant loin dans la galaxie. Et donc, tu t'es dit que lire « Revan » te révélerait les arcanes de cette aventure épique, en lieu et place d'un KotOR 3 tant attendu. Je te le dis tout simplement, cher ami, tu te trompes. « Revan » le roman n'a pas pour vocation de lever le voile sur les aventures mystérieuses d'un des Jedi les plus borderline de l'histoire de Star Wars. Non, ce roman n'a que pour but de faire le lien entre KotOR et tOR, où l'on découvrait sans doute ce qui fait office de pire setting de SW jamais créé. Avec son Empire Sith composé de méchants très très méchants, de turn over rapide des officiers militaires et d'une hiérarchie encore assez nébuleuse, on ne peut pas dire que jouer méchant se faisait par conviction. Ni même pour prendre la défense du Côté Obscur, tant les apôtres de ce dernier étaient très idiots, dans tOR. Là, ami, je te sens un peu dubitatif, et je te comprends, tu te dis sans doute « mais attends, c'est écrit par LE mec qui a créé Revan à l'origine, qui mieux que lui aurait pu concevoir la fin de l'histoire de Revan ? », ce à quoi, je te répondrai : un panda. Mais je vais quand même argumenter davantage.

Bon, d'abord, résumons un peu la bête : le roman débute deux ou trois ans après la fin de KotOR premier du nom. Revan est revenu du côté light, il a épousé Bastilla et vit à présent dans un petit appartement sur Coruscant. Seulement voilà, Revan fait d'horrib' cauchemars qui le réveillent chaque nuit en poussant des hurlements et il commence à se dire qu'il s'agit peut-être en réalité de visions qu'il a eu de son passé. Bon, ça, c'est la partie qui t'intéresse, manque de bol, ce n'est pas la plus développée, puisqu'en réalité, on suit aussi énormément Dark Scourge (mais quel nom !), un super Lord Sith appelé par l'Empereur des Sith pour aller aider Dark Nyriss une bien méchante Sith participant au Conseil Noir des Sith et qui vient d'échapper à une tentative de meurtre, certainement orchestré par un de ses rivaux Sith. Donc là, au moins, si tu avais encore un doute sur l'existence des "Vrais Sith", tel qu'on nous en parle à la fin de KotOR 2, c'est mort. Les habitués de TOR seront en territoire connu : ce sont les mêmes que ceux exposés dans le jeu, à savoir plutôt boeuf, rentre-dedans, issus d'un Empire qui a l'air de tellement tout sanctionner par la mort qu'on se demande comment ses citoyens parviennent à mourir de vieillesse (certainement un luxe que ne peuvent s'offrir que les grands gagnants de l'obscur système de caste). Bon, donc Lord Scourge est un idiot. C'est l'archétype du Sith idiot made in Star Wars. Il est méchant et très très fort, confronté à des manipulations toutes plus idiotes les unes que les autres, qu'il se dépêche d'admirer tant elles sont raccord avec le Code Sith, qui doit être bien marrant à lire tant on lui impute de bêtises. Bref, Scourge fait des âneries, se fait manipuler comme un enfant de six ans et tout va bien. De son côté, Revan embrasse sa femme sur le front, cette dernière s'était prise de plein fouet le syndrome de l'héroïne mariée : une maladie grave, qui touche un personnage féminin sur deux écrit par un homme. L'héroïne ainsi touchée se met alors à faire la vaisselle, passer l'aspirateur, porter la progéniture de son mari et attendre impatiemment son retour les bras croisés. Non, je ne plaisante pas. Bastilla Shan n'était peut-être pas le personnage préféré de tous, mais elle restait quand même une putain de Jedi qui a sauvé la république et que Drew, soudainement, réduit à la bonne épouse un peu dég' de ne pas pouvoir suivre son héros de mari, mais bon, il faut bien tenir la maison, pis elle est enceinte, quoi. Élégant.

Bon, mais là, j'empiète déjà un peu sur ma partie spécialement réservée au machisme dans ce roman. D'abord, parlons un peu de la structure du récit et si tu ne veux pas être trop spoilé, je te conseille de sauter ce paragraphe, car je vais m'arrêter sur ce qui m'est apparu comme un des points noirs du récit. Tu es parti ? Bien. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Drew, qui avait à peu près vingt-cinq mille façons intéressantes de traiter son personnage, décide de sélectionner la pire. Il impute donc frontalement une partie de la narration qu'attend le lecteur à Revan, seulement voilà : son récit ne tourne pas autour du jedi mais autour du raccord sordide à faire avec tOR (qui est sensé se passer 300 ans après). Du coup, outre le fait que Scourge soit le personnage central de l'histoire sans que le récit n'ose réellement le dire (à part si tu t'amuse à compter les pages allouées aux deux personnages. Ça va faire loler), Revan se retrouve dans une posture, en terme de structure, où il doit attendre que les ressorts narratifs du récit de Scourge relancent le récit pour surfer sur l'événement. Je m'explique. Revan enquête. Il se pose sur une planète, fait de la grimpette dans la neige avec un Canderous sous xanax, passe son temps à se faire souffler du vent dans la tronche pendant que Scourge renverse un complot et finalement, découvre une planète d'horreur (celle où ce grand méchant d'Empereur méchant-fou a fait son horrib' rituel pour devenir encore plus horrib'). Et bim, enfin, Revan trouve aussi les coordonnées de cette planète. Et ainsi de suite. Revan est le personnage de l'attente. En fait, l'auteur ne sait tellement pas quoi faire avec lui que régulièrement, Revan finit capturé et son histoire stagne. D'ailleurs, le twist final, à ce compte, est proprement hallucinant et très révélateur de cet état de fait : Revan, à nouveau, subit les événements et n'est jamais un moteur de l'intrigue parce que Drew ne sait pas du tout comment juguler les motivations un peu naze du personnage, sa puissance et le fait que le protagoniste central soit forcément un Sith. Super ! Je suis gentil, je te passe les scènes d'action pas très folichonne et une gestion très DBZ de l'usage de la Force, où les méchants lancent des "bolts" à tout-va, de toute façon, tu l'as compris, tu ne trouveras pas là ton bonheur.

Maintenant, viendons-en aux personnages féminins et tu l'auras compris, l'ami, Drew, à ce titre, est vraiment mauvais. C'est assez incroyable de retomber sur une telle configuration de personnages, au XXIe siècle. Les personnages féminins sont toutes reléguées à des seconds rôles d'une façon tellement spatiale que c'en est honteux. Entre Bastilla « oh ben mon petit mari est parti » Shan et Meetra « Je suis le labrador de Revan » Surik, on a deux personnages de femmes pourtant initialement fortes, qui se retrouvent à n'avoir de consistance que dans le sillage de Revan. On rappelle quand même que Meetra Surik était le personnage central de KotOR 2 et qu'a priori, elle était vachement plus intéressante que Revan (qui s'étoffait aussi pas mal dans le second opus... comme quoi, l'écriture d'Obsidian bute un peu plus). Ici, elle n'a le premier rôle que pour retrouver Revan (pendant que ce dernier est capturé, lol), mandatée par Bastilla Shan qui ne peut rien faire, hé, je vous rappelle que c'est une femme mariée et une mère, qui plus est ! D'ailleurs, si vous vous demandiez ce que faisait Bastilla pendant les événements de KotOR 2, alors là, c'est la claque. L'auteur explique, sans honte, que Bastila aurait bien lutté aux côtés de Revan contre les Sith de retour, mais que comme il était pas là, eh ben, elle s'est planquée pour élever son fils. Parce que toute seule, elle aurait rien pu faire. Par contre, c'est une autre femme qui l'a fait toute seule, explique l'auteur, la phrase suivante. Meetra, donc qui, évidemment, n'a pas la tête d'affiche bien longtemps puisque rapidement, elle rencontre Scourge qui repasse aussitôt au premier plan. Incroyable. D'ailleurs, SPOILER la fin de Meetra est, à cet ordre, très révélatrice de cet état de fait : elle se fait décapiter d'un bon coup de sabre, bim, sans l'avoir vu venir (la Force allait pas la prévenir, hé ho, c'est une femme !) et finit en esprit de la Force qui fait du support pour maintenir Revan en vie. Je ne plaisante pas. L'épilogue statue d'ailleurs sur le devenir de Bastilla : elle finit grand-mère célibataire, qui rêve encore de son amour passé à qui elle n'en veut pas d'être parti dans les étoiles pour sauver la galaxie. Okay, je pense qu'à ce compte, on a fait le tour des poncifs en la matière.

Voilà, tu l'auras compris, copain, ce roman est à éviter comme la peste. Non seulement il chie impunément sur la plupart des personnages de KotOR (qu'il se permet de te rebalancer pour surfer sur le fanboyisme, ne te fais pas avoir), mais en prime, il lève une zone d'ombre qui était parfaite telle quelle en essayant d'imaginer pourquoi Revan et Malak sont passés du côté obscur. Je pense que c'est ça, justement, ce qui me gênait un peu avec l'UE : un peu trop souvent, l'UE a tenté d'éclaircir des zones laissées dans les ténèbres et que n'importe qui pouvait combler. Par exemple, ici, je me suis toujours plu à croire que Revan et Malak étaient passés du côté obscur par la faute du syndrome post-traumatique des soldats revenus du front et je trouvais ça amusant de faire le parallèle entre ces événements et la Guerre du Viet-Nam, trouvant soudainement à SW une profondeur nouvelle. Eh ben non, en fait, ils ont été manipulés par un méchant digne d'une saison de DBZ qui les a mindfucké bien profondément. Voilà, super. Eh ben, merci, Drew, assurément, tu as eu une bonne initiative, en écrivant tout ça.
0eil
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le 22 mai 2014

Modifiée

le 11 juin 2014

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