Paru le 4 janvier 2019 en France et presque simultanément dans d'autres pays, tiré à 320 000 exemplaires, rapidement numéro 1 des ventes de livres sur Amazon, Sérotonine est le titre que l'auteur à choisi pour son 7ème roman, 4 ans après Soumission.


Comme dans beaucoup (tous?) d'autres romans de Houellebecq, on y retrouve un personnage dépressif qui erre sans réel but à droite à gauche, et nous raconte ses histoires de fesses et ses problèmes d'érection.


Quelle différence alors, avec les autres romans de Houellebecq ?
Il m'apparaît, je dois le dire d'emblée, que c'est le moins réussi. Il ressemble, peut-on dire à un mélange des précédents Houellebecq, ou, on peut dire encore qu'on a l'impression, du moins au début, d'une caricature de Houellebecq, comme si l'auteur s'était caricaturé lui-même, ou comme s'il avait pris un nègre pour écrire le livre à sa place en lui donnant quelques directives.
Au niveau du style on est surpris au début,


il y a des phrases assez longues, avec beaucoup de virgules, à des moments où il aurait mieux fallu mettre des points.


L'auteur ne nous avait pas habitué à ça, ce qui fait qu'on se demande si ce n'est pas finalement sa nouvelle femme Qianyum Lysis, qui a écrit certains passages du livre.
Quoi qu'il en soit, effectivement, on dirait une parodie de Houellebecq, digne d'un Dan Bilzerbecq.


Au début du livre, on dirait qu'il écrit chaque phrase pour choquer, pour provoquer, et qu'il va toujours plus loin, qu'il s'amuse à franchir des limites, on se dit "il va le dire ?" et il le dit. Ainsi, et attention à ceux qui ne l'ont pas encore lu, tout y passe.


Il commence par les habituelles remarques misogynes, racistes, homophobes, puis c'est le tour des écolos, ensuite il est question de zoophilie et, alors qu'on croit qu'on a fait le tour, le lâche personnage houellebecquien se retrouve nez à nez avec un pédophile, mais finalement il le laisse filer (et donc le pédo file). Et ce n'est pas encore fini, puisque l'admirable ex employé de Monsanto envisage vers la fin de tuer un enfant, ce qu'il ne fait finalement pas.
La fin est convenue, puisque le personnage envisage de se suicider, mais paraît trop lâche pour le faire.


Pendant toute la première partie du livre, j'ai senti une sorte d'écœurement. Le personnage, en plus d'être un énorme beauf, est assez détestable. On peut avoir un premier degré de lecture et se dire "ah oui, il est vraiment horrible", et un 2eme degré où l'on se dit que l'auteur s'est laissé à toutes les provocations, il s'est dit : "je vais faire tout ce que je n'ai pas encore fait, je vais pousser les limites encore un peu plus loin. L'islam et le terrorisme c'est fait, on ne va pas y revenir, mais il y a beaucoup de sujets que je n'ai pas abordés". Il s'est dit que ça ferait vendre et ça a marché.
Le personnage est un beauf, et on peut se demander s'il ressemble au français moyen ou simplement au français médiocre, car il ne faut pas confondre moyen et médiocre. Et c'est peut être ce qui explique le succès toujours plus grand de l'auteur : s'il plait tant, c'est que le lecteur s'identifie au personnage. Comme lui, il est assez médiocre, sans forcément en prendre autant conscience que son miroir, lui aussi, il a raté sa vie, il n'est qu'un loser. Un petit loser ou carrément un gros loser. Ce personnage la, Florent n'est pas un si gros loser que ça. En tout cas, pas autant que certains autres personnes d'autres romans, pas autant que celui d'Extension par exemple. Physiquement il n'est pas mal, il a fait des études, scientifiques même, il a un âge encore correct, et économiquement on ne peut pas dire que ce soit un loser : il a les moyens. Il n'a au fond pas de raison particulière d'être un loser. Il considère juste qu'il a raté sa vie, et la principale raison est d'ordre sentimental. C'est sans doute qu'il met au centre de la réussite de la vie, l'amour, et il pense qu'il est passé à côté de l'amour, et qu'il est trop tard.
Dans la première partie du livre, donc, on est assez écœuré par les suites de degrés de provocation (facile) qui sont franchis, on n'a pas tellement de sympathie pour le personnage, mais il m'a semblé que le livre devient dans la 2eme partie parfois un peu plus intéressant, et peut-être même mieux écrit. Enfin, il est quand même décevant à la fin. Au niveau littéraire


on a des évocations de Proust et de Thomas Mann (le lâche héros envisage de lire La Montagne Magique)


, mais ça ne va pas bien loin.
Au niveau de l'humour, il y en a un peu, que ce soit de l'ironie ou de l'humour noir, mais il y a d'autres Houellebecq plus drôles.


Bref, on a quand même le sentiment que Houellebecq s'est imité lui-même, et que ça aurait peut-être été plus réussi, finalement, s'il avait fait appel à un nègre.
Houellebecq se répète, tourne en rond, a toujours les mêmes obsessions. C'est peut-être ce qui fait son "charme", mais ça pourrait être intéressant aussi s'il faisait autre chose.


À dans 5 ans donc

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le 15 janv. 2019

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Hunkarbegendi

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