il y a dans ce recueil UNE NOUVELLE DE STEPHEN KING, ah mais attendez, n'en parlons plus, chut...

"Shining in the dark" est un recueil de nouvelles d'obédience fantastique, parfois flirtant avec la fantasy, publié en 2020 et ayant pour anthologiste Hans-Åke Lilja. Ce dernier tient un site qui m'était inconnu, Lilja's Library, traitant globalement de tout ce qui a trait à notre vieux conteur du Maine.


La joie de lire une anthologie de fantastique et d'horreur plus particulièrement est immense, tant j'affectionne ces genres et que je me désole régulièrement de leur représentation terne en rayon de librairie. Autant on fait la part belle à la science-fiction sur les étagères, autant le fantastique balbutie: que du Stephen King, un exemplaire de Dracula, et de la bit-litt. Direz-vous que je radote si je rappelle que la bit-litt est au fantastique ce qu'est Christophe Mae à la chanson d'auteur?
Alors, de surcroît, on peut s'émerveiller des grands noms réunis ici, avec la promesse d'une moitié de nouvelles inédites et d'autres semi-inédites. Si vous lisez les critiques de Babelio de la même façon que moi, vous n'aurez probablement pas eu le temps de constater mon admiration infaillible de Clive Barker, que j'érige depuis désormais depuis 2008 en "auteur favori", place qu'il partage avec Bret Easton Ellis (mais ça, je le dis moins, parce que je m'attire régulièrement la foudre des auto-martyrs du XXIème siècle). La simple mention de Barker m'aurait largement suffit à acheter le recueil, mais on y trouve aussi le grand Stephen King ("Ca", "Shining", faut-il vraiment citer ses œuvres?), Jack Ketchum ("Une fille comme les autres", tentez le si vous pensez sincèrement avoir le coeur "bien accroché"), Ramsey Campbell (un adorateur lovecraftien), Edgar Allan Poe (eh oui!) ou encore John Ajvide Lindqvist ("Laisse-moi entrer": en ma possession, pas encore lu, mais l'adaptation au cinéma nommée "Morse" m'avait tellement bouleversé que je n'ai aucun doute sur les qualités de l'écrivain...).
Il faut donc se réjouir doublement, triplement! Une anthologie de l'horreur, quelle promesse venue d'un autre temps, que l'on n'attendait plus...


C'est sincèrement assez décevant malgré cette joie ne m'ayant pas quitté tout au long de la lecture.


Au rang des nouvelles les plus excitantes, nous retrouvons:
- "Aeliana", de Bev Vincent, qui a je pense eu le plus bel effet sur moi car appartenant à un genre que je lis réellement jamais: l'urban fantasy. Histoire d'une mystérieuse créature nocturne, féminine, errant dans les rues d'une ville violente où sévit un meurtrier. Aeliana va se "lier" à une policière afin de mettre fin aux agissement de cet "homme du crépuscule", pour le meilleur et pour le pire... C'est bien écrit, l'atmosphère citadine où plane le meurtre est extrêmement bien rendue, tout comme le rendu de ces évènements à-travers des yeux pas vraiment humains...
- "Charabia et Theresa", de Clive Barker. Histoire d'un sanctification ratée, les anges érigent un pédophile en tant que sain et dans le processus transforment son perroquet et sa tortue en humain. C'est irrévérencieux et blasphématoire au possible: du Clive Barker de la grande époque, survolant tous les interdits et laissant libre cours à son imagination complètement tordue. Ce n'est pas une de ses grandes réussites, attention, mais on a là une vraie voix s'extirpant de la morosité ambiante?
- "L'amour d'une mère", de Brian James Freeman, qui tend à rappeler ce à quoi une nouvelle "devrait ressembler". Histoire aisée à mettre en place, immersion immédiate et pleine du lecteur, courte pagination pour grand twist final. Ce n'est encore une fois pas un chef-d'œuvre, mais ça fonctionne complètement. Si toutes les nouvelles avaient cette qualité d'exécution, la critique de ce recueil aurait été bien plus simple.
- "Le Manuel du Gardien", de John Ajvide Lindqvist. Il en fallait un, de récit lovecraftien! Et ma foi, c'est bien mené, bien écrit, angoissant et fidèle aux standards de Providence. On a en plus un déclaration d'amour non-voilée aux jeux de rôle sur plateau, ce qui est toujours on ne peut plus jouissif. Une nouvelle de qualité, donc, elle aussi garnie d'un twist final exécuté avec brio.


Malheureusement, on a le revers de la médaille avec ces quelques nouvelles:
- "Le Compresseur Bleu: un récit horrifique" de Stephen King. Si King est très probablement l'auteur que j'ai le plus lu, et que sincèrement je l'adore, force est de constater qu'il a toujours su faire cohabiter le très bon comme le catastrophique. Si j'ai vraiment vécu de grands moments de lecture à ses côtés (Duma Key, Simetierre, Brume, Shining, 22/11/63 sont ceux qui me viennent spontanément), j'ai aussi survécu à des calvaires (Sleeping Beauties, Carrie, Cellulaire...). Cette nouvelle, "inédite en France", n'est franchement pas bonne. Probable expérimentation littéraire entièrement vaine, tout tombe à plat et est malvenu. Cela n'est pas une catastrophe car c'est court, et c'est le seul point défendable du récit: l'agonie est succincte.
- "La Danse du cimetière" de R. Chizmar: ça n'est pas foncièrement mauvais, mais c'est très dispensable et comme beaucoup d'autres récits du recueil, un peu vain. Glissée ici pour faire "une nouvelle en plus, un auteur en plus"... Cela manque tout de même beaucoup de concrétisation.
- "Le Compagnon" de Ramsay Campbell: que dire... Ce n'est pas mal écrit, ce n'est pas inintéressant, mais ce n'est pas du tout abouti. On se perd dans cette nouvelle car comme en témoigne l'auteur en postface, il s'est lui-même perdu en l'écrivant. Le résultat n'est pas bon: une vague orientation d'idée ne suffit pas à soutenir un propos, même si l'on souhaite rester "mystérieux" et écrire sans comprendre ce qu'on souhaite y déverser.


Le reste des récits stagne dans le moyen, le passable: "Le Réseau" de Ketchum n'est pas désagréable mais extrêmement prévisible et suranné, "Le Roman de l'Holocauste" développe pour le coup un concept passionnant mais peine à emporter le lecteur, "La Fin de toute chose" est une petite douceur de ténèbre et de mélancolie ne persistant pas deux heures en mémoire, "L'attraction des Flammes" est une nouvelle a priori assez appréciée par les autres lecteurs, que j'ai trouvée pour ma part assez longue et encore une fois complètement vaine, peu divertissante. Ensuite, la nouvelle de Poe est bonne, mais rien de nouveau sous le soleil, comme on dit...


Si je suis très reconnaissant à Hans-Åke Lilja de nous proposer un ouvrage de nouvelles fantastiques à plusieurs auteurs, force est de constater que la tentative est tout de même un semi-échec. Et rien n'y fera: ni les déclarations de l'anthologiste nous vantant maintes et maintes fois la qualité de ses nouvelles, ni les postfaces d'auteur qui à l'image de leurs récits ne seront pas franchement éclairées.
Le vrai premier point négatif de l'ouvrage est l'absence d'un petit chef-d'œuvre, qui parfois suffit à justifier un recueil entier. En tous cas, étant un grand amateur de recueils de nouvelles, je fonctionne comme cela: une quinzaine de page miraculeuse peut m'enchanter pour 25 autres récits. Là, on a quelques nouvelles qui se défendent, mais on est loin dela démonstration de force. Même notre bon Clive Barker livre ici une nouvelle de seconde zone, bien en-deça de sa maestria des Livres de Sang.
Le deuxième point négatif est bien la nouvelle du King. Pourquoi? Mais parce que dans cet ouvrage, on nous rabâche au moins quatre ou cinq fois les oreilles avec cette nouvelle, tant est qu'on finit par l'attendre. Et elle est tristement mauvaise, ce qui peine pour une anthologie célébrant les vingt ans d'un site consacré à Stephen King.
Le troisième point négatif est cet amoncellement de nouvelles fades ou parfois mauvaises, qui détone avec ce qu'on attendait du recueil. On est parfois assez loin du fantastique ou de l'horreur (cf les quelques récits "mélancoliques", pas vraiment à leur place: Le Roman de l'Holocauste, La Fin de toutes choses", "La Danse du cimetière"...), et même lorsqu'on est dans le registre, c'est pas folichon ("L'attraction des flammes": bon exemple d'une réponse exemplaire au cahier des charges mais molle du genou).


Bref, je n'ai vraiment pas été convaincu par "Shining in the dark". Il n'empêche que ce type d'exercice est tellement rare que j'achèterais les vingt tomes suivants s'ils existaient. Car malgré cette déception, j'ai pris plaisir à me plonger dans ces univers fantastiques.

Wazlib
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le 10 févr. 2021

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