Si je devais définir ce roman en un seul mot, ce serait sans doute "prétentieux", car Houellebecq, par l'intermédiaire de son héros enseignant en université, ne peut pas s'empêcher d'étaler sa culture littéraire à tout bout de champs. Pour le commun des mortels qui n'a pas fait L ou étudier le 5ème Art en faculté, la lecture de nombreux passages (notamment la première partie du roman) peut s'avérer rapidement barbante voire frustrante. Sans parler de l'éloge constant et des références toutes les deux pages à l'écrivain Huysmans, que Houellebecq semble vénérer et vouloir à tout prix nous transmettre sa passion pour lui. Là aussi, ça va bien un moment...
François, le héros bobo nombriliste et pseudo-dépressif, est plus préoccupé de coucher avec ses étudiantes et de ses insignifiants problèmes de santé, que du peu de famille qu'il lui reste et du devenir de son pays. Le pauvre ne comprend la transformation de celui-ci qu'à travers ses échanges avec ses connaissances plus éclairées, car il est clairement trop béat et passif pour se forger par lui-même une véritable opinion des bouleversements sociétaux qui l'entourent. Mais encore faut-il descendre de sa tour d'ivoire de temps en temps, n'est ce pas ?
Je n'ai jamais lu d'Houellebecq et méconnais totalement son univers, mais il me semble qu'un homme lambda avec un métier plus anodin aurait été plus à même de parler de l'islamisation de son pays plutôt qu'une pauvre loque d'enseignant privilégié, lâche, alcoolique et obsédé sexuel (certains passages sont d'une crudité tellement gratuite que cela en devient affligeant) qui s'en fiche royalement et ne voit pas plus loin que le bout de son nez. La vision du phénomène par le bonhomme reste donc très restreinte, et pour le lecteur aussi... C'est bien dommage.
Comme indiqué dans le résumé au dos, ceci n'est qu'une fiction dans une France imaginaire mais néanmoins proche de la nôtre, une sorte d'univers parallèle en somme. Ceux qui prennent le récit au pied de la lettre et lui reprochent hargneusement ses idées irréalistes et ses évolutions improbables n'ont donc rien compris. Car même s'il est désormais évident que l'islam prendra un jour prochain les rênes de notre pays (et de l'Europe entière), cela se fera différemment. Ici, ce qui saute le plus aux yeux, c'est l'absence totale de réaction de la part des féministes lorsque le droit au travail des femmes est purement et simplement supprimé. On comprend bien que tous se "soumettent" à leurs nouveaux maîtres, mais c'est de façon si docile que cela en devient vraiment gros.
À la lecture du roman, on constate que l'auteur essaye de rester neutre et ne descend jamais la religion incriminé. Les représentants de ce culte sont même montrés comme des gens bien plus malins et réfléchis que les catholiques, qui sont ici davantage caricaturés. Le charismatique président Mohamed Ben Abbes est même présenté comme un fin stratège au génie digne des grands conquérants. Puis surtout, il n'est jamais fait mention dans le récit, même implicitement, d'un bon ou d'un mauvais camp. Il faudrait donc être vraiment de mauvaise fois pour déceler de l'islamophobie là-dedans...
Mis à part quelques expressions poétiques placées ça et là pour faire bien, le style littéraire de l'auteur est vraiment quelconque voire même inexistant. Parfois, on a l'impression que c'est écrit à la va-vite car il en oublie même la ponctuation à certains endroits. Certaines de ces ellipses sont aussi décevantes, notamment la grande soirée électorale qui est en grande partie occultée. Un peu facile tout ça... Que de déceptions pour cette première découverte du "fameux" Michel Houellebecq, à qui je ne trouve pas grand chose, si ce n'est cette audace, minime je vous l'accorde, de traiter d'un sujet qui divise beaucoup.
À aucun moment, ce roman ne m'a choqué et donné envie de me pincer le nez à cause d'éventuelles odeurs rances, il faudra donc m'expliquer en quoi celui est raciste et appelle à la haine envers la religion du Coran. Moi, la seule haine et la seule étroitesse d'esprit que j'observe proviennent des personnes qui se croient intelligentes à descendre le roman sans même l'avoir lu, en répétant bêtement les arguments écoutés dans les médias. Comme souvent, l'intolérance première ne provient pas de là où on voudrait bien nous le faire croire, mais des donneurs de leçons eux-mêmes...
Au final, il en résulte un petit roman de politique-fiction très dispensable, paresseux dans les idées qu'il développe (même si certaines sont intéressantes), qui ne donne pas suffisamment matière à réflexion et qui enfin, n'est pas aussi incisif qu'on l'aurait souhaité (l'une des causes principales est que l'auteur ne prend jamais parti). "Soumission" est donc un bien grand mot pour nommer ce roman, car c'est plus l'histoire d'un paumé pédant qui n'a plus que la littérature pour lui, avec bien sûr en toile de fond l'islamisation de son pays, plutôt qu'une vraie histoire politique sur la chose. Était-il donc nécessaire d'en faire tout un fromage ? Clairement pas.