Straight
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livre de Chuck Tingle (2021)

Le premier livre sérieux de Chuck Tingle ?

Tout d'abord, qui est Chuck Tingle ? C'est un écrivain américain sous pseudonyme. Ce nom cache peut-être un écrivain connu, ou un groupe d'amateurs fan de happening, personne ne le sait. C'est un peu le Greg Egan du dinoporn. Il se décrit comme bisexuel, grand maitre de taekwondo du Montana, doctorat de massage holistique.
Il est très actif sur twitter où en plus de la promotion de ses œuvres, il défend les droits LGBT et parle d’autisme, lui-même se présentant comme asperger.
Et surtout, c’est l’inventeur du dino porn !
Il a commencé à publier en 2014 en auto édition sur amazon avec « mon tricératops milliardaire a soif de cul gay », « pilonné par le président bigfoot » et « pris par la licorne biker gay » (les traductions des titres sont mon œuvre).


Mais la célébrité arrive en 2016 avec « space raptor butt invasion » qu’on pourrait traduire par « le cul envahi par le raptor de l’espace », nominé au prix Hugo dans la catégorie novelette suite à une campagne des sad puppies, le groupe de fans de SF d'extrème-droite, qui voulait détruire la valeur des prix Hugo ainsi (cela ne marcha pas). Space Raptor nous décrit la rencontre torride entre un astronaute humain et un astronaute dinosaure. Il a ensuite été nommé en 2017 dans la catégorie best fan writer.


Depuis, il a élargi le ses publications aux histoires couvrant tout le spectre LGBTQIA+, mais aussi des guides, des pastiches d’harry potter, des histoires mettant en scène un ancien président des États-Unis, du porn avec divers animaux et même des histoires mettant en abime sa nomination aux hugos avec ce superbe titre « le cul pilonné par ma défaite aux prix hugo » suivi de « le cul pilonné par ma seconde nomination au prix hugo ».


Straight est peut-être le premier livre sérieux de Chuck Tingle, sans dinoporn ou licorne. On le remarque d'ailleurs tout de suite à sa couverture qui tranche sur les habituels montages d'un mauvais goût très sûr de ses autres œuvres.


Le pitch est simple : un phénomène astronomique étrange croise la terre une fois par an et rend pendant une journée la population hétéro (les straight du titre) folle et avide de meurtre de la population LGBT. C’est évidemment une boucherie la première année, mais un vaccin a été mis au point pour contrer le phénomène et les LGBT se préparent pour éviter le pire les années suivantes.


Un groupe de quatre ami·e·s, une femme trans, une lesbienne, un gay et un bi décide d’aller dans un gite au fond du désert plutôt que de se barricader à palm spring qui est le comté lgbt friendly de la région.
Évidemment, cela va mal se passer. La station où ils pensaient faire le plein et les courses est fermée, ils s’arrêtent ensuite dans un restaurant où ils vont faire une mauvaise rencontre ...


Vous aurez reconnu la trame : on est dans un slasher où un groupe de jeunes part dans un lieu isolé et tombe sur un tueur psychopathe, sauf que dans le cas présent c’est la majorité de la population qui se transforme en tueur psychopathe.


Là où ça devient intéressant, c’est que Chuck joue avec les lieux communs et les clichés habituels envers la population LGBT, notamment avec les straight : celui qui se dit allié des LGBT, mais qui, quand la situation devient difficile, les abandonne, celui qui, bien que non vacciné, ne devient pas fou furieux et fait donc un coming-out involontaire, et ainsi de suite…
Il en profite aussi pour dénoncer certains comportements au sein de la communauté LGBT, tel le gay qui ne considère pas vraiment le bisexuel comme un membre de la communauté.


Straight n’est pas un texte révolutionnaire, mais il est globalement bien mené, bien construit, avec les retournements de situation habituels au genre, comme le personnage que l’on croit mort et qui réapparait juste quand il faut. Le format novella évite de trainer en chemin et s’il est rempli de ferveur militante le texte n’est pas pour autant trop lourd. C’est aussi un texte rempli de bienveillance, ce qui n’est pas étonnant quand on suit Chuck Tingle sur twitter, dont le mantra est "LOVE IS REAL".


On regrettera juste qu’il soit bourré de fautes d'anglais pourtant basiques (même pour un lecteur francophone comme moi) qui gâchent la lecture. Bref, une novella sympa à lire qui mélange l’humour du slasher au second degré avec des réflexions plus sérieuses autour de la communauté LGBT.

rmd
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le 24 juil. 2021

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