Victus
7.9
Victus

livre de Albert Sánchez Piñol (2012)

Soyons francs : un livre historique sur un ingénieur militaire spécialiste de la construction de forts et de tranchées à l'époque de louis XIV, ca n'a pas l'air franchement excitant. Ajoutons une couverture terne représentant la pointe d'un bastion et on se dit qu'en dehors de quelques wargamers pervers, ça ne va pas intéresser grand monde. Sauf que sur cette couverture est aussi écrit "Albert Sanchez Pinol". Et qu'on se souvient que ses précédents livres étaient autant de réussites et que finalement ca vaut peut-être le coup de se lancer dans cette épaisse biographie de Marti Zuviria, illustre inconnu et élève de Vauban.


Divisé en 3 parties à peu près égales (veni, vidi, victus), le récit se présente comme l'autobiographie partielle et partiale de Marti Zuviria lui-même, dicté à sa servante allemande. Partielle, car s'il l'écrit à l'âge de 98 ans, le texte s'étire seulement de 1705 à 1714, date à laquelle Zuviria a 23 ans. Partiale, car le texte a un ton tout sauf neutre : le narrateur s'exprime sans distance, montrant ses haines et ses amours de façon totalement subjective et engagée.


Car Victus est un livre politique : Zuviria traverse la "guerre de succession", conflit opposant les nations européennes pour nommer le successeur de Charles II au trône d'Espagne et se terminant par le siège de Barcelonne, le 11 septembre 1714, devenue depuis la date de la fête nationale catalane. Trahison des élites, soumission de l'église, résistance du peuple : à 2 siècles d'écart, Victus fait curieusement écho aux récits de la prise de pouvoir anarchiste en Catalogne dans les années 1930 ("Hommage à la catalogne" d'Orwell ou "Le bref été de l'anarchie : La vie et la mort de Buenaventura Durruti" d'enzensberger). Albert Sanchez Pinol est catalan et cela se sent.


Victus est aussi un livre d'aventures : emmené à un rythme endiablé (10 ans de vie en 600 pages), il ne comporte aucun temps mort. Depuis les premières pages (le détournement d'un corbillard par le jeune Marti alcoolisé) jusqu’à la fin (la chute de Barcelone), Pinol maîtrise totalement son récit : actions, amours, confrontation avec des ennemis, rien ne manque. Arrivé à la fin, on ne peut avoir qu'un seul regret : que l'auteur ne continue pas son récit pour nous raconter le reste de la vie de Zuviria. Car on reprendrait bien quelques centaines de pages supplémentaires de cette qualité.

rmd
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le 15 août 2013

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