Un roman qui débute avec un avant-propos très beau, poétique sur la naissance et la mort d'un tourbillon ou d'une mini-tornade, pas forcément représentatif du style qui suit mais que l'on pourra néanmoins retrouver ici ou là dans le texte, sous forme de lettres notamment. En fait, à peine écrit, je vais me contredire puisque Razvan Radulescu invente en permanence un style littéraire, il alterne les dialogues, les lettres, les descriptions des personnages et lieux, ses propres interventions -en note de bas de page pour contester une partie censurée parce que jugée trop violente ou en courrier adressé à l'éditeur pour demander un délai supplémentaire pour envoyer son manuscrit. Son histoire est folle, allègrement menée, critique, drôle, palpitante, mais elle souffre également de grosses digressions inutiles, longues, répétitives, d'une certaine lassitude que j'ai pu noter lorsque j'avais posé le livre et que je n'avais pas très envie de le reprendre, mais tout de suite évaporée lorsque je replongeais dans les aventures de Théodose et Chatchien. Pour résumer, je dirais que c'est un roman assez inégal mais son enthousiasme, sa fraîcheur, la folie qui s'en dégage le portent largement vers la case, livre à lire et à conseiller.


Mais revenons un peu à cette histoire ou hommes, animaux, fantômes, personnages imaginaires se côtoient, pour nous narrer l'histoire d'un royaume en pleine révolution ou plutôt en plein putsch. Car ceux qui veulent la place de Théodose ne rêvent que d'un pouvoir absolu, alors que le jeune roi serait plutôt dans une sorte de monarchie constitutionnelle. C'est une critique même pas voilée des dictatures, des moyens de les instaurer, de cette soif inextinguible du pouvoir qui animent certaines personnes. Silure est un Machiavel, prêt à tout, absolument tout, pour régner : les bassesses, les flagorneries, la violence, la mise à mort, ... "C'est exactement ce que je voulais dire, voyez-vous, sauf que je ne m'entends pas à parler simplement, j'en ai perdu l'habitude et je m'embrouille à énoncer des choses voilées, à double ou triple sens, car j'oublie d'où je suis parti et où je suis arrivé, ou bien où je voulais arriver ; et, sans m'en rendre compte, mes paroles parlent sans moi et finissent sur le rivage en pente des courbettes glissantes, car elles n'ont guère le don de garder leur parole intacte, sage et de rester dans le sujet, comme Ton Altesse, sérénissime Chatchien, ô notre vrai maître." (p.159/160) Voilà un bel exemple de langue de bois, s'il ne s'agissait pas d'un silure, j'aurais même pu dire qu'il noyait le poisson (une phrase digne d'une réponse de nos politiques à une question qui l'embête).


Un roman dans la lignée d'Orwell et La ferme des animaux, évidemment, mais plus bavard, plus barré, plus décalé, plus fantasque, qui entre de plein fouet dans l'absurde, le délire et l'humour pince-sans-rire. Franchement, si vous avez un peu de temps, sinon n'hésitez pas à le prendre, vous pouvez commencer ce roman d'un peu plus de 500 pages, à la couverture -encore une fois chez Zulma- magnifique, qui, en plus, de l'être, est en rapport avec le contenu. Et oui, de fraises, il est question... et de champignons itou, mais je n'en dirai pas plus.

YvesMabon
8
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le 7 mai 2016

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Yv Pol

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