«Thérèse fut une et heureuse. Aujourd’hui Thérèse n’est pas. Se livrent dans ma tête comme des batailles rangées, aucune conciliation n’étant possible entre mes parties. J’ai pu croire un instant avoir assez de savoir-faire pour amener mes moi à conclure une entente, mais mes chemins s’opposent et se radicalisent dans cette bataille pour mon corps.»

«Thérèse en mille morceaux» est le journal d’une jeune femme de vingt-six ans, à Cap haïtien au début des années 1960. Thérèse est en proie à des crises de schizophrénie mais elle est totalement lucide sur ce qui la dévore de l’intérieur, sa rébellion contre l’enfermement et la déchéance : déchéance de sa famille, de sa mère enfermée dans l’image de la richesse passée de son mari, de cette femme qui ne savait que condamner, qui a maintenue Thérèse et sa sœur dans l’ignorance du monde, dans l’ombre d’une maison sans joie et dans le corset austère de la religion, de son père alcoolique, zéro ambulant coureur de jupons et haï par sa mère, et enfin déchéance d’Haïti dans la misère, pays lui aussi en mille morceaux.

Huis clos de Thérèse avec elle-même, seule à seule avec ses propres voix qui se répondent, chacune à leur rythme, ce récit d’une libération est, avec une économie extraordinaire d’événements et de faits, d’une puissance poétique incroyable.

Comme un envol et une chute.

«Je suis la main qui erre. Thérèse s’achemine vers elle, de page en page, sans carte de la ville ni idée directrice. Je monte et descends dans la ville, passe et repasse sur les places, j’ai beau visiter les recoins où la toux monte avec la faim, épier les vieilles maisons où mille fillettes en mille morceaux chantonnent et se morfondent, c’est dans Thérèse que j’erre.»
MarianneL
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le 6 mars 2013

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