En 1999, harassé par le conformisme de la vie de journaliste économique et stimulé par les horizons nouveaux que lui offrait son récent statut de retraité, Bernard Ollivier décida de se lancer dans une aventure proprement extraordinaire : relier Istanbul à Xi'an (ancienne capitale de la Chine, il y a 3000 ans environ) à pied, en solitaire, et en longeant l'ancienne Route de la Soie. Cette dernière, d'une puissance évocatrice et onirique exceptionnelle, est l'occasion pour le lecteur comme pour le marcheur de parcourir l'Histoire des civilisations passées, disséminée çà et là, à l'ombre d'un caravansérail millénaire ou dans les villages reculés du Moyen-Orient où le temps semble s'être arrêté. Ce sexagénaire entêté traversa l'Asie en 4 années, à raison de 3 à 4 mois ensoleillés par an seulement car sa route empruntait les hauts cols d'Anatolie et du Pamir, impraticables durant une grande partie de l'hiver.

Cette marche parfois chaotique, longue de quelque douze mille kilomètres et traversant pas moins de 6 pays (Turquie, Iran, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizstan et Chine), n'est en rien l'évocation d'un exploit personnel. Longue Marche, composé des trois tomes Traverser l'Anatolie, Vers Samarcande et Le Vent des Steppes, est plus simplement le récit d'un voyageur émerveillé par les rencontres qui jalonnent son chemin et par la beauté des paysages bigarrés, les deux évoluant de manière continue, au gré des cultures locales.

Bernard Ollivier avait pour objectif initial de suivre l'un des nombreux chemins qui composaient la Route de la Soie historique. Il désirait revivre — dans une certaine mesure — le parcours des voyageurs et des marchands de l'époque (depuis -500 avant J.C. jusqu'au XVe siècle), qui trouvaient refuge, à chaque étape, dans les nombreux caravansérails qui balisaient cette épopée. Aujourd'hui, rares sont ceux qui ont survécu à l'épreuve du temps. Mais les traditions hospitalières des populations séculaires du Moyen-Orient ont su résister à la modernité, et cette Longue Marche est avant tout un récit de rencontres : une rencontre avec l'Autre, notamment au travers de la générosité de l'Islam, entrecoupée de longs moments de solitude lors de la traversée des déserts du Gobi et du Taklamakan. Seul bémol : Bernard Ollivier n'hésite pas à relater les moments difficiles et les expériences désagréables inhérentes à la marche en solitaire (maladie, doute, rencontres hasardeuses, barrière de la langue). Sur la dernière portion de son voyage, il en vient même à regretter ses débuts, tant la culture chinoise lui semble imperméable à toute forme d'hospitalité. Mais à aucun moment il ne remet en cause son ignorance assumée de la langue chinoise, lui qui a appris des rudiments de Turc, de Farsi et de Russe pour faciliter la communication avec les autochtones des pays concernés. Mais passons.

Ce récit de presque mille pages captivera plus particulièrement les marcheurs dans l'âme, ceux qui ont besoin de sentir la Terre sous leurs pieds pour accéder à cet état de plénitude que procurent les longues marches sauvages. Car Bernard Ollivier est un voyageur qui écrit, et non un écrivain qui voyage : la nuance est importante. Sa vision des choses, ce besoin de se surpasser, cette soif de paysages nouveaux, cet émerveillement et ces rencontres inattendues sont autant de madeleines, autant d'émotions directement adressées au voyageur occasionnel ou assidu.

La suite ici : http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Longue-Marche-de-Bernard-Ollivier-2000-2001-et-2003
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le 10 avr. 2013

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