L'intrigue : OK. Un type reçoit une lettre anonyme d'une femme, il lui répond parce qu'il est intrigué et séduit, s'ensuit un échange de mails rendant la vie du bonhomme plus excitante.
Le style : ampoulé. Enfin surtout les parties épistolaires, puisque les personnages échangent sur un ton faisant volontairement référence au 18è siècle.
Pour la narration, on a aussi une plume (une traduction de l'allemand) un peu précieuse. La narration se fait à la première personne et comment dire...
Le narrateur, Jean-Luc Champollion (tête de con !) est un mec horriblement suffisant, prétentieux et vaniteux avec une farandole de défauts : plein de préjugés racistes, misogyne, voyeur, colérique régulièrement à l'égard des femmes.
Au bout d'un moment j'ai pris mon crayon et commencé à souligner les passages dérangeants. QUI voudrait d'un mec comme ça, sérieusement ?


Allé pour les exemples :


-> Vous prendrez bien un peu de racisme ?
"L'injonction laconique du chauffeur, sans doute originaire du fin fond du Soudan" [...] " - Vous pourriez rouler un peu plus vite ? demandai-je au Noir" [...] "L'homme venu du continent africain n'avait manifestement pas l'habitude d'une telle hâte."


"aidé du sympathique Tamoul qui assurait normalement le service de nuit mais était venu plus tôt, ce jour-là."


-> Et avec ceci ? un tranche de généralités sur les femmes saupoudrée de misogynie et de condescendance ?
"S'il est une chose que je déteste chez les femmes, c'est cette faculté de répondre aux questions par d'autres questions."
"Chaque femme avait son petit grain bien à elle, qu'il valait mieux accueillir avec magnanimité."
"Aucune femme ne pouvait garder longtemps un secret, pas même quand c'était le sien."
"Ce qu'il y a de fantastique avec les chiens, c'est qu'ils vous pardonnent toujours et ne se vexent jamais. Cela les distingue des chats, et de presque toutes les femmes."


-> Une pincée de culture du viol ?
"L'art de séduire une femme consiste essentiellement à ne pas accepter un non"
"Et au bout du compte, je remporterais la mise"


Je vous fais grâce du passage où il engueule son employée qu'il sexualise à mort (p.110 de l'édition Livre de poche) sous prétexte qu'elle porte des vêtements qu'il considère comme aguicheurs, est-ce que ça empêche cette jeune femme de bien faire son travail ?
Page 112, il se retient de la frapper : "L'espace d'un instant, la main me démangea, mais je me maîtrisai à temps et cette gamine effrontée échappa à la tape qu'elle méritait, au fond."


Une réplique prononcée par une femme, objectifiant les femmes : "- Le monde est rempli de femmes merveilleuses, poursuivit-elle. Servez-vous !"


Alors. Ce livre présente un personnage principal problématique, que l'on suit sur 255 pages. Outre le fait qu'on nous présente ce roman comme un roman léger, "un savoureux marivaudage contemporain", c'est grave de lire les pensées, les paroles d'un tel mec, sans qu'il ne soit jamais remis en question. JAMAIS un de ses amis ne l'interpelle sur sa façon de considérer les femmes, ou autrui d'ailleurs. Il n'évolue pas non plus au cours de sa quête de la femme. Il est ainsi, tel quel. Mais au XXIè siècle, on ne veut plus de ce genre de personnage !
Je ne sais pas ce qu'a cherché à faire l'autrice (qui se cache d'ailleurs sous un pseudonyme masculin, il suffit de chercher sur Google qui est Nicolas Barreau et on a rapidement la réponse) avec ce personnage : voulait-elle faire le portrait d'un galeriste détestable ? dénoncer un genre de mec imbu de lui-même ?
Je serais curieuse de connaître l'avis des hommes qui ont lu ce roman, vous êtes-vous identifié à Jean-Luc ? Vous a-t-il paru insupportable, parfois même réactionnaire ?

Jude
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le 17 févr. 2021

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Jude

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