Le Monstre. J'ai mis du temps à le noter, et à vrai dire tout n'est plus frais dans ma tête -ça doit faire quatre ou cinq ans- mais on ne peut pas mettre un 7 arbitraire à un tel monstre et partir comme un voleur, quand bien même on ne serait pas lu.
Le truc, c'est que je ne l'ai pas vraiment suivi en étant concentré, mais plutôt lu en me laissant emporter par les mots, sans m'inquiéter de parfois déconnecter, et de la sorte ce fut sincèrement plutôt drôle. Quelques passages en particulier m'ont bien fait rire (comme celui de l'un des deux compères observant une jolie fille sur un banc et ayant des réactions... déplacées).
Le légendaire monologue final n'est pas le plus infernal. Le chapitre pièce de théâtre a failli avoir ma peau par contre.
J'imagine qu'il y a deux grosses façons de l'aborder.
Soit on veut l'ajouter à son tableau de chasse, et vite dépassé par le monstre, on accepte de se résigner comme j'ai choisi de le faire, puis on passe quelques moments amusants, un peu popcorn dans le sens où on ne fait pas en sorte de laisser une empreinte durable du livre en soi.
Ou bien on se prend au jeu littéraire, métalinguistique, on cherche les références, on lit et relit à la lumière des critiques, et on s'universitarise...
Mais je ne lis pas comme un professionnel, malgré mon intérêt certain pour la théorie littéraire. Ce n'est pas un défi que je veux relever que celui-ci.
Cependant, accepter de le lire de la première façon, accepter la résignation face aux monstres qui nous dépassent tout en sachant qu'on a qu'une vie, et en particulier une bien courte vie culturelle, est une étape importante, et c'est pourquoi il est heureux que des œuvres à la réputation de ce monstre existent pour calmer certaines ardeurs, à l'instar de celle du jeune moi qui voyais à l'époque la littérature mondiale comme un catalogue à cocher exhaustivement pour s'assurer un jour une élévation sociale.
Depuis Ulysse et quelques autres du genre (qui peuvent m'avoir marqué malgré tout, comme Faulkner), je me suis abandonné à une vision de la littérature plus réduite, focalisée sur certains romans et auteurs, qui m'apportent ce que je cherche (à savoir une édification morale et pratique), plus qu'une perfection érudite et linguistique qui me dépasserait trop vite et virerait à une obsession malsaine et parfois forcée. Si je ne refuse pas le dépaysement littéraire, car j'aime les livres et pas seulement les livres que j'aime, j'ai depuis accepté de lire en étant parfois perdu, désarmé, incapable de briller face à un interlocuteur qui attendrait de certaines œuvres une critique détaillée et pertinente à cause de leur réputation, et donc à passer pour un simplet ou un coquin qui n'a pas lu vraiment l'œuvre.
Et c'est important.