Le monstre, c'est l'auteur lui-même.
Ce truc, lorsqu'il est sorti, je ne voulais pas en entendre parler. Se faire du pognon sur le dos des morts (et de quelle manière !), c'est tout ce que je déteste. Mais quelqu'un a fait l'erreur de me l'offrir à Noël. Avant de l'ouvrir, je suis allé me renseigner sur son auteur. J'ai vu l'émission de Ruquier sur le net, avec Zemmour et Naulleau qui disent ce qu'ils pensent du livre précédent sur Marilyn et JFK. Je savais donc à peu près à quoi m'attendre.
Mais j'ai été surpris.
Car ce n'est pas la sale biographie d'un des plus grands acteurs du monde, c'est la sale autobiographie de son auteur. Quand on ferme ce livre, il dégouline. Il pue, il suinte, il colle. C'est un livre dégueulasse, dans lequel on lit à travers le cœur de son auteur désespéré. Chaque mot, chaque phrase est aussi crasseuse que l'esprit de son narrateur. Cet homme, si homme il y a, ne prend du plaisir qu'à décrire le malheur des autres, mais aussi son propre malheur. Et il prend son temps pour le faire. Il donne des détails, beaucoup de détails, la plupart inventés et vulgaires, et se roule dans des excréments en riant, tout scatophile qu'il est. Ce François Forestier, qui possède ce nom de famille magnifique par erreur, est atteint de plusieurs maladies mortelles. Il a perdu la vue il y a longtemps et ère tel un aveugle, dans un univers sombre et mauvais. Tout ce qu'il voit est noir, la lumière n'existe pas. Et quand il en aperçoit une, il lui crache au visage.
François Forestier serait un superbe chroniqueur de magazines People, rubrique drames. Il donne dans le sensationnel, dans l'intime, dans le vulgaire. Il faut vendre, il faut massacrer ! C'est un paparazzi qui n'a pas la force de se lever pour aller prendre des photos. Il critique Brando sur son obésité, sur le moindre kilo qu'il prend, mais il s'est regardé lui, le sosie raté de Depardieu ? Cet écrivain est un être répugnant, qui pense répugnant, qui écrit répugnant.
Cet écrivain, qui n'a d'écrivain que le titre, n'arrive pas à faire des compliments. Pour lui, la majorité des films de Brando sont ratés :
- Viva Zapata! ? Brando à l'air d'un "échappé des Folies Bergères"
- Sur les Quais ? Les acteurs sont "misérables", "Brando a du mal à parler", Rod Steiger "méprise profondément Brando".
- Blanches colombes et vilains messieurs ? "Brando ne sait pas chanter, danse un peu, n'a aucune légèreté dans l'humour".
- La petite maison de thé ? "un des pires films de Brando".
- Le Bal des maudits ? "Encore un film raté, traversé de moments ridicules".
- Le Vilain Américain ? "Un film amorphe".
- La vengeance au deux visages ? "Western masochiste".
- Morituri, La comtesse de Hong Kong, La poursuite impitoyable (!) : "Ratages en série".
Les bons films il ne les cite que par obligation, et quand il faut faire un compliment, il s'empresse de rajouter du noir :
- Le Parrain ? C'est bien oui, mais "pourtant le reste de la vie de Brando est une catastrophe", Coppola "semble chaotique", "ne sait pas ce qu'il fait".
- Apocalypse Now ? "Martin Sheen est satisfaisant, mais... fait une crise cardiaque", "les techniciens fument, se droguent, attrapent des maladies inédites". Apocalypse Now, "certainement un chef d'oeuvre", mais François s'empresse d'ajouter que la version Redux est "lourde, lente" que dans les nouvelles scènes "Brando est mauvais".
Il va simplement conclure "De la petite maison de thé, à Morituri, en passant par Sayonara, Les révoltés du Bounty et Le bal des maudits, Brando va simplement accumuler les catastrophes.".
Pour François, un seul film semble émerger du lot : Reflets dans un œil d'or. Cependant, il ne peut pas s'en empêcher, il faut qu'il plonge les mains dans la boue. "Le film est magnifique – la première réussite de Brando depuis... depuis quand, au fait ?".
"Depuis quand, au fait ?"
C'est vrai ça, depuis quand ? Car tout le monde s'accorde à dire que dans C'étaient des hommes, Un tramway, Sur les Quais, Viva Zapata!, Jules César, L'homme à la peau de Serpent, Le Vilain Américain, La Poursuite Impitoyable, Marlon Brando est très mauvais, qu'il a tout raté, qu'il n'a jamais fait un seul bon film.
Non mais c'est vrai à la fin, Marlon Brando est un acteur parmi tant d'autres, il n'a rien de spécial, et il joue de façon médiocre ! Arrêtons d'encenser cet homme du peuple !
Sur les 41 films de Brando (selon SC), j'en ai vu 34, et j'en possède 29 en DVD. J'ai lu tout ce qu'il y a lire sur Brando. Je connais (un tout petit peu) le personnage.
Francis Ford Coppola dira : "Si j'ai rencontré trois génies dans ma vie, Marlon brando est incontestablement en haut de la liste."
Martin Scorsese dira : "Il représente la frontière. Il y a un "avant Brando" et un "après Brando."
Jack Nicholson dira : "When Marlon dies, everybody moves up one."
Et la liste est infinie.
François Forestier donne dans l'introspection. Il croit faire un livre sur Brando, il écrit en fait un livre sur lui :
"Cet homme déteste les autres et se hait lui-même. C'est comme un halo de désespoir qui empoisse tout, autour de lui".
Je vous informe, avec la plus grande sincérité, que j'ai brûlé le livre. J'ai même fait une vidéo que je n'ai pas encore publié, de peur que François Forestier ne réussisse, contre toute attente, à y trouver quelque réjouissance.
P.S : J'ai mis 2 étoiles au lieu de 1, car dans mon barème cela correspond à "J'ai vomi".
