Ayant décidé depuis cet été de m’intéresser davantage à la littérature asiatique et plus particulièrement japonaise, j’ai commencé avec quelques petites œuvres. J’ai donc découvert le style et l’écriture de Yoko Ogawa avec ses deux petites nouvelles écrites en 1989. Que dire si ce n’est que j’ai été quelque peu déroutée ?
Cet ouvrage comporte deux nouvelles. La première est Une parfaite chambre de malade qui nous fait suivre le quotidien d’une jeune femme dont le frère est très malade. Devant passer les derniers mois de sa vie à l’hôpital, le jeune homme va voir sa sœur réorganiser complètement sa vie afin d’être auprès de lui chaque instant. Dans la seconde, La désagrégation du papillon, nous suivons à nouveau le quotidien d’une jeune femme dont la grand-mère est malade.


Il s’agit ici de se laisser dériver au gré des pensées des protagonistes. L’auteur aborde des thèmes sensibles : la maladie, la vieillesse, la mort mais aussi la vie et l’amour. Comment faire face au quotidien à la maladie d’un proche ? Comment continuer à vivre quand les êtres aimés sont partis pour toujours ou s’apprêtent à partir ? Chacun des personnages de ces nouvelles va être confronté à ces situations, l’une avec un frère encore jeune, qui n’aura guère le temps de profiter davantage de la vie et l’autre, avec une grand-mère qui s’éloigne jour après jour de la réalité. La souffrance de ces malades et surtout celle de leurs proches qui les soutiennent dans leurs derniers instants sont abordées par l’auteur. Il leur faut alors faire face à un quotidien de plus en plus difficile émotionnellement.
Dans Une parfaite chambre de malade, la narratrice est une phobique de la saleté. La chambre de son frère à l’hôpital va devenir pour elle un refuge : cet chambre d’un blanc immaculé et où tout est stérile va rapidement constituer un véritable havre de paix. C’est dans une atmosphère paisible qu’elle va apprendre à connaître davantage ce jeune frère condamné à la quitter bientôt. Il est impossible de lutter contre le temps et ses jours sont comptés pour clarifier ce qu’elle éprouve pour lui. Ses souvenirs constituent un rempart contre le monde extérieur qui lui semble hostile.
Dans ces récits, tout se déroule en suivant le point de vue de chacun des personnages principaux. L’histoire évolue ainsi en fonction des pensées de chacune de ces deux femmes, ce qui confère à l’ouvrage une ambiance particulière, difficilement descriptible, à la fois légère et pesante. De même, le récit est aussi impersonnel qu’intimiste en raison du point de vue adopté. Bien que nous livrant leurs pensées les plus intimes, les deux narratrices apparaissent très distantes. Pourtant, elles sont très impliquées émotionnellement auprès de leurs proches malades. Cette mise à distance constitue en quelque sorte une barrière de protection contre le monde extérieur mais également contre la douleur de voir ces êtres chers souffrir avant de partir. Yoko Ogawa semble maîtriser l’art du paradoxe et aime à laisser ses lecteurs suivre les déambulations émotionnelles de ses personnages grâce à une écriture aussi sobre que poétique. Les phrases sont toujours très courtes, allant directement à l’essentiel. À première vue simple, le style de l’auteur est en réalité beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Sous cette plume habile et derrière ces phrases courtes se cache en réalité beaucoup de poésie et une profonde réflexion sur la vie.


Une parfaite chambre de malade et La Désagrégation du papillon sont deux nouvelles atypiques qui nous sortent du temps pendant quelques instants pour mieux nous y replonger l’esprit plein de questions. Malgré la gravité des sujets abordés, l’auteur parvient à conférer au récit une certaine légèreté grâce à une plume efficace et poétique.

Créée

le 9 nov. 2015

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