Vaches noires est un recueil de trente-trois nouvelles, composé par Topor un an avant sa mort mais publié posthume pour la première fois, en 2011. C’est vrai qu’à la réflexion, il sent un peu le sapin : récurrence du thème de la mort – bon, ça, le lecteur de Topor y était habitué –, nette impression de grosse fatigue peut-être liée à la platitude de certains textes – c’est déjà moins habituel – et tonalité des récits assez différente de ce que les romans précédents de l’auteur proposaient. Ainsi : « Je me sens un peu bizarre, un peu malade. Tous les sens du mot “drôle” me vont comme un gant. / Mes dessins aussi sont drôles. Pas comiques, mais absurdes, gratuits, saugrenus. Je n’ai jamais tenté de trouver un sens à la vie, moral ou esthétique, ni essayé de faire évoluer l’humanité dans le bon sens. Le non-sens paraît plus proche de la réalité » (dans « Je me sens drôle », p.124 de l’édition de poche) fait figure d’exception chez un auteur qui préféra toujours que son œuvre parlât à sa place.
À la réflexion, ces Vaches noires ne ressemblent pas tellement à des nouvelles : on dirait parfois plutôt des sketchs ou des chroniques tels que Desproges, par exemple, les pratiquait quelques années plus tôt. Certes, on retrouve les thèmes et les procédés habituels de Topor, dans des récits comme « La crème brûlée » ou « La vocation des profondeurs », par exemple, ou dans un passage tel que « Je ne suis pas un homme. Je suis un phallus. / Un grand phallus à deux pattes, totalement indépendant, capable de se mouvoir et de gagner sa vie tout seul. Un phallus sans maître. Un phallus libéré. » (p. 35). Mais il y a aussi, une fois n’est pas coutume, quelques références à l’actualité, sinon à la société du temps – ainsi et pêle-mêle Jacques Martin, Le Pen et Euro-Disney…
Reste ce drôle de désarroi face à l’inadéquation du monde, ce désarroi qu’on appelle quelquefois causticité et qui est de toutes les époques. « “Et si c’était le facteur, le courrier, au lieu de sa lettre merdique ?” » (p. 27).

Alcofribas
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le 17 mai 2017

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