La vie de François Leguat ne fut pas minuscule, puisqu’il vécut trois vies en quatre-vingt dix-sept ans.

Huguenot propriétaire d’un domaine agricole en Bresse, il fut à plus de cinquante ans contraint à l’exil, suite à la révocation de l’édit de Nantes, et quittât donc la France en 1689. Embarquant dans le port d’Amsterdam à destination de l’océan Indien avec douze autres hommes, cet homme sage et bienveillant va vivre malgré lui une vie d’aventurier, qu’il racontera plus tard, au cours de sa troisième vie, dans les bas-fonds londoniens, dans un livre intitulé «Voyages et aventures de François Leguat et de ses compagnons en deux isles désertes des Indes orientales».

«Francois Leguat est tellement libre qu’il peut faire n’importe quoi, y compris coloniser une île dans l’océan Indien. Est-il jamais monté sur un bateau ? À plus de cinquante ans, délivré du souci d’avoir une vie, il peut bien aller mourir à l’autre bout du monde – vomir cinq décennies de terre ferme dans les flots de l’Atlantique, sculpter les poutres d’un temple de fortune sur un rocher désert battu par les vents pour être le premier locataire du cimetière attenant, observer la faune et la flore que Dieu a jusqu’ici protégées de la main de l’homme, s’empoisonner d’un fruit neuf, perdre une lutte féroce avec un sanglier sans nom, ou bien se noyer ici ou là, renversé avec son navire par la houle et la tempête, emporté par une vague alors qu’il contemple l’horizon bleu, la lune rousse.»

Pour son premier roman, Nicolas Cavaillès transfigure cette vie, dépossédée d’elle-même. Leguat résiste à tout, en s’abandonnant à ce destin qui lui échappe, et, à la fin de sa vie, il est dépossédé de son héritage, de sa mémoire même, quand il est accusé, avec la parution de son livre, de n’être qu’un imposteur, de n’être jamais parti.

Un destin parallèle à celui de l’écrivain ?
MarianneL
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le 30 sept. 2013

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