Victor Serge, intellectuel marxiste né en Belgique de parents immigrés russes, se propose ici de brosser un portrait fidèle de Léon Trotsky, en compagnie de la veuve de ce dernier (en réalité co-autrice, même si elle tint à ne pas figurer en tant que telle).

Sans jamais être inintéressant, le livre suit l'homme dans sa vie, à de multiples niveaux : ses pérégrinations intellectuelles (même si on pourra regretter qu'il ne cite pas de plus larges passages des ouvrages du "Vieux", comme il était surnommé affectueusement), ses tribulations d'exilé, à la fois sous l'ancien régime et le nouveau, ses engagements, ses amitiés ... Le ton en est objectif, ne masquant pas ses erreurs, insistant sur son rôle dans la Terreur Rouge, durant la Guerre Civile Russe, n'en rajoutant pas plus que nécessaire sur ses mérites, sur ses qualités indéniables d'analyste, et de la Révolution Russe, et du Stalinisme.

Car, dans l'objectif avoué de proposer une vision la plus fidèle possible de l'homme, le livre s'attache à peindre (et c'est tant mieux !) les évènements d'Octobre (1905 et 1917), leurs conséquences, et leurs dérives.

En effet, le drame d'un homme, qui déchoira du pouvoir, pour se retrouver assassiné, en exil aux antipodes de son foyer, d'un coup de piolet (!) (zut, j'ai révélé comment ça se termine), se mêle étroitement à celui d'une Révolution confisquée par un appareil bureaucratique terroriste. Souligner la rigueur intellectuelle, le courage de Trotsky, c'est faire une charge déterminée contre Staline. Serge ne s'en prive pas.

Outre la vie d'un homme, c'est le recueil d'une époque, époque de rêves brisés, de cauchemars ambulants. Un livre excellent, par une très belle plume.

Ajout du 22/01/11 : à me relire, je me rends compte que j'ai passé sous silence, ou tout du moins négligé d'insister sur, le fait que c'est un récit très noir. Ça n'a bien sûr rien d'étonnant, au vu des circonstances de la période. Mais cette longue suite de trahisons, de vilenies, de meurtres, de mensonges éhontés, est réellement très "déprimante". C'est la vérité me diriez-vous. Vous n'auriez pas tort.
Pedro_Kantor
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le 23 janv. 2011

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Pedro_Kantor

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