Un bouquin pour lequel j'avais un bon a priori, écrit par un auteur pour lequel j'ai de la sympathie, mais force a été de constater que le tout est très inégal.


Je n'ai que peu de choses à redire sur ce qu'il écrit au sujet de de Gaulle. Il propose quelques réflexions intéréssantes sur la vision du clivage gauche-droite qu'avait le Général, sur sa longueur de vue et son sens aigu de l'Histoire et de la grandeur, ainsi que du duo exceptionnel qu'il formait aux côtés de Malraux. D'ailleurs je dois avouer que même moi qui suis un inconditionnel du Général, je trouve qu'Onfray lui cire un peu trop les pompes et qu'il se voile un peu la face lorsque, par exemple, il conteste que de Gaulle soit revenu au pouvoir grâce à un coup d'état. Je ne vois pas ce que cela enlève à l'homme du 18 juin de reconnaître cet état de fait (l'armée menaçait de parachuter des unités de combat sur Paris si les députés refusaient de donner le pouvoir à de Gaulle)... mais ce serait quelque part donner raison à Mitterand, ce qui est inconcevable aux yeux d'Onfray.


La liste d'arguments qu'il avance contre Mitterand (que je n'aime pas, je le précise) est finalement bien moins longue qu'il ne le voudrait, et ce sont globalement toujours les mêmes qu'il répète en boucle sans qu'ils ne paraissent franchement plus convaincants à la longue. Certains visent d'ailleurs plus l'entourage et les amis de Mitterand que Mitterand lui-même. Onfray enchaîne les démonstrations bancales (qu'il croit sans doute implacables) à partir d'extrapolations douteuses tirées d'anecdotes simplistes qu'il voit comme des preuves irréfutables des thèses qu'il défend, le tout en y mettant une mauvaise foi évidente.


Globalement, c'est beaucoup de « blabla » pour ne pas dire grand chose, je soupçonne même Onfray d'avoir voulu faire durer son livre artificiellement en se répétant constamment, en ressortant inlassablement les mêmes arguments plutôt discutables, en consacrant même un chapitre entier aux goûts culinaires des deux présidents sans qu'on en saisisse l'intérêt fondamental (ok, de Gaulle aime les plats simples comme le pot-au-feu tandis que Mitterand est un sale petit jouisseur qui aime manger des huîtres dans des restaurants étoilés, et ?), en plaçant d'innombrables « (sic) », notes de bas de pages, et mentions « - c'est moi qui souligne » quand il met en italique une partie d'une citation - voire même quand il ne cite personne (???), ou peut-être même encore avec l'usage insupportable du préfixe criard « judéo » chaque fois qu'il veut dire (et qu'il faudrait dire seulement) « chrétien » (mais bon, pour ce dernier point c'est sans doute seulement par réflexe d'homme de gauche).


En fait, Onfray se répète tant que j'en suis arrivé à me demander sérieusement s'il s'était relu, d'autant plus qu'il laisse parfois passer des erreurs d'étourderies : p305 il écrit que Pétain demande l'armistice en 1941, p382 il cite mal Peyrefitte et lui fait dire « entravé » au lieu d'« entraîné », et toujours dans la même citation il oublie un -s à « boules puante*»... Alors certes, ce ne sont que des petites fautes, mais je n'en remarque d'habitude jamais dans mes lectures.


Onfray fait aussi quelques erreurs beaucoup plus grossières et qui le discréditent malheureusement bêtement. Dans son chapitre dédié au rapport qu'eurent les deux personnages dont parle le livre à l'extrême droite, il mentionne un texte d'un anti-gaulliste qui prétend que « l'Histoire dira que le 18 juin 1972 fut élevé un mémorial pour que les générations à venir n'oublient jamais, non jamais, le terrible drame national que fut pour la France la perte de l'Algérie et pour la honte éternelle de l'homme de Colombey qui commit ce crime ». Or, Onfray fait l'erreur de croire que le « mémorial » évoqué est le texte lui-même (intitulé « Le Mémorial de la honte »), alors que sans même avoir lu ce texte j'ai tout de suite compris que cela désignait évidemment le Mémorial Charles-de-Gaulle érigé à Colombey-les-Deux-Eglises précisément le 18 juin 1972 (une simple recherche sur internet suffit à le vérifier, il s'agit de l'endroit où a été bâtie une croix de Lorraine gigantesque). Le livre m'est quasiment tombé des mains à ce moment-là : comment Onfray a-t-il pu laisser passer ça ?


Autre détail dérangeant que j'aimerais mentionner rapidement : les propos que je n'hésite pas à qualifier de diffamatoires qu'il a tenu à l'endroit du général Giraud qui, s'il fut maréchaliste dans un premier temps et le favori naïf des Américains dans un second (s'il ne fut pas de la trempe de de Gaulle en somme) fut tout de même un grand soldat et un vrai résistant qui n'a pas démérité et n'a pas usurpé ses récompenses. Insulter sa mémoire est une faute.


Bref, j'aurais sincèrement voulu aimer Vies parallèles mais je ne puis fermer les yeux sur ses trop nombreux défauts. Tout n'est évidemment pas à jeter, encore une fois il y a des choses intelligentes à en tirer, des analyses pertinentes (souvent avec sa grille de lecture de gauche souverainiste à laquelle je n'adhère pas tout à fait) et d'autres passages réussis où il fait preuve d'un style littéraire très fin, mais une bonne partie du livre me paraît avoir été quelque peu bâclée. C'est le premier Onfray que je lis, je veux croire que le reste de sa production est meilleur mais je ne peux pas recommander cette lecture-ci.

JOL-01
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le 27 oct. 2023

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yayita
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