Basse-fosse

Il y a de l'idée, du travail, du style - même si cette langue irrégulière, parfois un peu chargée, m'a autant captivé que déconcerté suivant les chapitres.

Anna de Sandre développe un univers lourd, inquiétant, chargé en mauvaises ondes qu'une grande tribu de personnages rongés de maux divers propagent dans les rues écrasées de froid et de neige de Villebasse - figure à part entière du roman, évidemment, comme le titre l'indique.

On passe de l'un à l'autre, le plus souvent, en suivant les pattes de Le Chien et ses quêtes mystérieuses. Si ce dispositif est intéressant (notamment parce que Le Chien est particulièrement bien campé), l'abondance de personnages, tenus ensemble par une structure de roman choral parfois fragile, m'a assez vite lassé, puis perdu.
Certains sont bien dessinés, d'autres non. Certains chapitres font avancer le récit, d'autres se transforment en verglas qui le font patiner. Comme si le roman avait le hoquet.
Il manque à l'ensemble ce petit truc magique qui transforme un bon roman choral en opéra implacable, d'une évidence absolue, dans lequel chaque voix tient son pupitre à la perfection.

Par ailleurs, Villebasse ressemble à l'humanité dans tout ce qu'elle a plus vile, justement - le titre du roman annonce d'ailleurs la couleur.
Tout est glauque, un peu triste - but recherché par l'auteure, sans aucun doute (et en ce sens c'est une réussite) -, mais cette longue errance misérable m'a éprouvé. Je ne m'y suis pas retrouvé. Je n'ai pas eu envie de m'y retrouver.
Ce qui ne m'empêche pas de saluer la justesse du tableau. Anna de Sandre ne fait de cadeau à personne, même si on lui sent de l'affection pour un certain nombre de ses gueules cassées par l'existence.

Pour résumer : un roman qui a du caractère, une solide atmosphère, une véritable singularité, mais dans lequel je n'ai pas su, ou voulu, entrer totalement.
Une aventure à tenter pour les amateurs de hors piste littéraire.