Céline n’a pas fait que du bon dans sa vie, mais on peut dire qu’il s’y connaissait niveau prénom: il fallait quand même être drôlement futé pour savoir que Céline deviendrait un prénom hyper à la mode dans les années 80, et que même une chanteuse que la galaxie nous envie porterait haut les couleurs de ce superbe prénom (hem).

Céline était aussi et surtout un écrivain qui savait donner vie et corps à son récit. J’ai toujours aimé lire des extraits de ses écrits que je trouvais pleins de force.

Voyage au bout de la nuit est savoureux parce que Bardamu le héros nous raconte son parcours avec des termes qui sentent bon le terroir, qui ne s’embêtent pas avec des fioriture mais savent être directs et efficaces. On s’y croirait dans sa tête, on aime suivre ses angoisses, ses défaillances, ses manquements, et ses fuites en avant. Il nous peint une époque et des univers avec un réalisme surprenant et désenchanté.

J’ai longtemps cru que Voyage au bout de la nuit ne parlait que de la guerre, c’est effectivement le cas mais il y a bien plus: la guerre n’occupe réellement que la première partie du livre, le reste n’est qu’un long voyage.

Céline nous propose une odyssée dans les coins les plus noirs de l’âme, à la rencontre de petites gens, de lâchetés, d’horreurs, de plein de choses qui font qu’on n’a pas forcément envie de vivre tout ça.

Le héros se retrouve à la guerre un peu comme s’il participait à une farce, et il s’étonne un peu bêtement que personne ne trouve la guerre idiote, que personne ne remette en cause des notions vides comme la bravoure ou l’envie de défendre sa nation. De réflexion en réflexion on se dit qu’il a drôlement raison le Bardamu, que c’est complètement absurde de se battre comme ça sans réfléchir deux secondes à ce qu’on est en train de demander aux soldats. Au passage céline nous sert des réflexions sur la vie en général pleines de justesse.

D’aventures en aventures, de la France aux USA, en passant par l’Afrique, Bardamu va tester plusieurs modes de vie, toujours en se heurtant à des gens plus sournois et plus mauvais les uns que les autres, et en faisant preuve lui aussi d’une lâcheté sans cesse renouvellée.

De temps à autre on a droit à quelques notes plus positives, mais elles sont bien rares.

Notre héros se promène au milieu de tout ça, vivotant, donnant et prenant quelques coups, testant des combines pour s’en sortir “moin mal”.

Céline nous fait voir à travers ce parcours tout ce que l’humanité comporte de moche et de sombre, sans fard, sans tralala, avec des mots simples, des actions crues, des agonies réelles.

Le style de Céline se lit bien, mais il se vit mal: tout est si sombre qu’on peine à lire certains passages, on a besoin de refaire surface dans le monde réel pour reprendre un peu de couleurs, parce que ce qu’il raconte est laid et rend tellement compte de la réalité que c’est dur à digérer.

Ce n’est pas un livre qui vous réconcilie avec la vie, mais ça peut vous permettre de trouver la votre moins pire, et surtout de se voir comme quelqu’un d’intègre et de beaucoup moins lâche que vous le ne pensiez (en tout cas moi ça m’a réconciliée avec mes petites faiblesses).
iori
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le 5 juin 2013

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