Black Hole Sun
Je prend ma plume pour t'écrire à nouveau Ferdinand (http://www.senscritique.com/livre/Mort_a_credit/critique/11709471), entre nous, on peut pas laisser de non-dits. Tu m'as mis une belle claque au...
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le 24 juin 2014
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Sur l'île déserte par dépit j'emmènerai son ouvrage, comme dit mon grand-père qui tricote, improbable, du genre des tricots qui n'en finissent jamais, qu'on se demande quand même pour quelle géant on fabrique cette chaussette-là.
Soit il aime tricoter soit qu'il exagère sa pointure, il possède me dit-il une gigantesque et sombre résidence secondaire, dont je n'obtiens de lui que de longs discours narratifs. Il me dit de fermer les yeux. Je proteste, je vois plus rien que je lui dis, il me met une claque et me dit que c'est facile pourtant, suffit de, qu'il dit.
Alors je fais mine et raconte n'importe quoi, ce qui me vient pour que l'instant passe.
C'est un archipel immense d'images poétiques (je dis ça vraiment pas convaincu mais bon, je sens l'odeur d'une que j'aurais pas ratée si je me la prends, dixit le fameux proverbe pédagogique) presque pas d'eau entre les rives. Des archipels plein de chaleurs sous le sable, ça sort en mirage comme sur les barbecues. Les mirages sont si fins, l'écart avec le réel tout aussi fin, lui aussi, dans le même sens du terme, c'est-à-dire affûté (comme un couteau à viande, pour l'exemple). Sur chaque archipel il y a comme une odeur de pendu (j'entends le jeu avec les mots, de ceux qu'ont écrit une lettre après l'autre, avec d'infinies précautions) et cette odeur sent bon le vieux papier jaune, je veux y croire papy, mais il a les boyaux en feu je vous raconte pas.
Dans le fond on sait que c'est pas possible, que c'est de l'autre côté de la vie, mais quand même il y a dans cette odeur (celle du pendu) la perspective de trouver le mot qu'il fallait d'accord, mais surtout sans qu'on sache jamais vraiment pourquoi, ça a été décidé comme ça c'est tout, et pas autrement. Par qui ? Par mon grand-père qui m'engueule presque, non sans grâce : oui c'est pas réel du tout, me dit-il, les soldats sans têtes (comprenez décapités (par un obus)) ça ne s'embrasse pas. Mais c'est probablement pas plus irréel que deux soldats têtus qui se tirent dessus.
Pas plus irréel oui, non, mais plus improbable. Je m'en prends une que j'avais vu venir.
fils d'acier tentants que tracent les balles
pointilleuses comme des guêpes
L'ensemble de mes mirages forment un truc, dit-il entre deux grosses caisses qui fouettent (qu'est ce qu'il fouette !), tant impossible à rejeter dans l'absolu, qu'à accepter, et si sournois qu'on a le choix. Et si tant est qu'on veut y mettre un vrai pied, le mirage se fige comme une statue d'éternité déjà en miette, que notre curiosité tient, tant qu'elle se résiste à elle-même d'aller plus loin, aux autres archipels.
À force de déambuler d'un bord de l'ombre à l'autre, on finissait par s'y reconnaître un petit peu, qu'on croyait du moins... Dès qu'un nuage semblait plus clair qu'un autre on se disait qu'on avait vu quelque chose... Mais devant soi, il n'y avait de sûr que l'écho allant et venant, l'écho du bruit que faisaient les chevaux entre-temps, un bruit qui vous étouffe, énorme, tellement qu'on n'en veut pas.
Et pourtant on y retourne, toujours. Là où ça éclabousse sans un bruit, seulement celui du bruit et de la fureur de la littérature, là où l'écume est sur les lèvres.
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