Wolinski, 50 ans de dessins rassemble le travail réalisé pour l’exposition présentée au sein de la BNF autour du grand Georges Wolinski en 2012.
Un ouvrage biographique majeur qui permet de tracer quelques lignes de la vie et de la carrière du prolifique illustrateur, croqueur de talents de la vie de son époque ou des frustrations de ses contemporains. Mais qui ne peut pas en dresser tous les contours, révélant une personnalité sans lui accorder trop de lumière. George Wolinski était un homme de convictions mais aussi de contradictions, un homme secret, qui voulait avant tout qu’on le juge pour son travail. Un artiste qui aura travaillé pour de nombreuses revues, allant de Hara-Kiri à Paris Match, des écarts qui lui seront reprochés mais dont il s’expliquera parfois par ses dessins, à demi-mots.
Découpé en plusieurs parties, introduites par différents textes de ses proches, avec Cavanna ou sa femme, l’ouvrage permet de dresser le portrait d’un professionnel du crayon aux nombreuses thématiques. Comme beaucoup d’illustrateurs de l’actualité, ses dessins politiques ont moins de force pour qui n’en comprendront pas les faits sujets à taquinerie. Son travail pour la publicité est plus anecdotique, mais dévoile un aspect moins connu, pour des illustrations à caractère éphémère mais qui gardent l’esprit « Wolinski ».
Car il faut lui reconnaître une qualité bien rare, celle d’un humour parfois acerbe, parfois mélancolique qui permettent à ses ouvrages de résister si bien à l’esprit du temps, car Wolinski savait prendre de la hauteur. On lui a parfois reproché la sexualité de ses œuvres, du désir contrarié ou assouvi de ses personnages, de la place des femmes, mais il en montrait toutes les contradictions. Les femmes le faisaient rêver, ce sont elles qui l’ont élevé et il a été un grand amoureux. Sous sa plume la libération sexuelle rendait les femmes belles et féroces. Les outrages parfois subis dévoilaient la face sombre d’une réalité pourtant bien présente. Le sexe n’est jamais loin, avec toutes ses passions et ses frustrations, un sujet que l’artiste a toujours su exploiter avec une légèreté parfois seulement de façace.
Avec son trait vif et relâché, George Wolinski possédait ce coup de patte immédiatement reconnaissable, un « crobard » direct qui ne fut pas tout de suite sa marque de fabrique avant que Cavanna lui conseille de le reprendre. Un style épuré et « sur le vif » qui lui permet d’être universel, à l’image de son « Mr tout le monde », filiforme et chauve, témoin le plus souvent d’un monde qui lui échappe, ou de ses femmes qui en quelques traits offraient plus de personnalité visuelle que bien des artistes réalistes. Une esthétique en fil de fer, de plus en plus étoffée au fil des années, pour des personnes plus en chair mais toujours aussi expressifs. La présentation de dessins de jeunesse, de travaux annexes, notamment pour la publicité, ou d’inédits personnels (Wolinski avait toujours son matériel avec lui, il croquait tout ce qu’il jugeait intéressant) permet d’offrir au curieux des nouvelles pages pour mieux comprendre toute la diversité de l’auteur.
George Wolinski ayant été prolifique et bien vite reconnu dans son travail, des dizaines de livres ont été édités (comme celui-ci par exemple). Il n’est guère difficile de trouver un Wolinski d’occasion chez un bouquiniste. Et toute bibliothèque devrait en avoir au moins un. Mais cet ouvrage, riche en illustrations bien trouvées, permet de rendre hommage à cet auteur talentueux et pourtant assez discret, dont les quelques tentatives d’introspection sur papier (Pitié pour Wolinski, à peine évoqué ici, dommage) n’apportaient pas toutes les clés de compréhension.
Un auteur malheureusement abattu par des lâches lors de la funeste conférence de rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015.