J'ai rencontré René Fallet en banlieue Sud-Est, par l'entremise de Georges Brassens. Nous y avons parlé d'Histoire et d'amitié, nous avons ri, bu, aimé. Je l'ai revu à Paris, au mois d'août. Paris désert, Paris amer au départ de l'amour. Il m'a dit alors qu'en tout homme gisait un Mozart assassiné, et m'a parlé des mystères dont l'amour, chez Cerise, se parait. René savait parler d'amour comme peu d'hommes, et encore moins d'écrivains.

Un vendredi je l'ai revu, dans une librairie bruxelloise. Il m'a parlé d'un certain Régis Ferrier, auteur de son état, éperdu d'absolu. Et perdu, dans l'absolu. Vivant à coeur ouvert, livré au scalpel des sentiments, l'homme allait aux faîtes sans se soucier des chutes. Il avait la vie brute et brûlante, l'amour chevillé au corps des femmes. Auteur, il ne supportait pas de vivre à basse altitude, en rase-motte, sans trous d'air. Il fallait qu'il vole, s'envole, survole, voit de haut le quotidien commun du commun des mortels nichant dans le confort des passions endormies. Oiseau de proie ou moineau épris d'une hirondelle qui, jamais la même, refaisait son printemps, il planait. Mais venait toujours l'heure où la balle du chasseur se fichait dans son aile. Alors, la gravité de la réalité le ramenait inexorablement sur terre.

Un jour qu'il finissait de guérir d'une chute libre, il tomba sur un médecin féminin dont les deux seins découvrirent sans se faire prier un nouveau coeur à aimer. L'un dans l'autre, et ils le furent souvent, ils eurent leur part de bonheur tel que l'entendait Régis : intense, hors normes, infini. L'un sans l'autre ils le furent aussi, même côte à côte.

C'est leur histoire, avec un grand coup de hache à la fin, que René me raconta. M'envoyant dans leur décor aux premiers mots, il me tint en haleine jusqu'aux dernières lignes, faisant de ces inconnus des proches, leur donnant visage, corps et âme. Au terme du récit, je quittais toutes les peaux par lesquelles il m'avait fait transiter pour réintégrer la mienne et la réalité. René s'éclipsa non sans m'avoir fixé rendez-vous à plus tard, au plus tard très bientôt, et je restai un peu hantée par le souvenir de Régis Ferrier que, sans doute, il ne m'aurait pas déplu d'aimer.
Much
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste

Créée

le 6 mai 2012

Critique lue 395 fois

4 j'aime

4 commentaires

Much

Écrit par

Critique lue 395 fois

4
4

D'autres avis sur Y a-t-il un docteur dans la salle ?

Y a-t-il un docteur dans la salle ?
MobyLaffrey
6

Sûrement une très bonne romance

Cette oeuvre est très difficile pour moi à noter. Je suis un fan incontesté de René Fallet, mais devrais-je dire de sa veine du Beaujolais, celle des bons copains qui larguent des caisses autour...

le 28 sept. 2020

Du même critique

C'est arrivé près de chez vous
Much
9

Critique de C'est arrivé près de chez vous par Much

"Tu ne te permets juste rien du tout, tu vas d'abord me soigner cette vilaine peau et ensuite tu te permets..." Plus encore que le poème à la gloire de l'oiseau à la grise robe et que la tentative...

Par

le 1 oct. 2010

22 j'aime

6

Anima
Much
9

Rien n'est plus redoutable que l'homme.

Wajdi Mouawad est un mec étonnant. Etonnant parce que dégageant une certaine douceur alors même que ses livres recèlent de lignes âpres, sèches, et parfois extrêmement violentes. Cette violence n'est...

Par

le 4 sept. 2013

19 j'aime

2

Des visages des figures
Much
9

Critique de Des visages des figures par Much

J'ai un problème avec cet album.Vraiment. Ce qu'il se passe c'est qu'une fois que je presse la touche "play", une fois que commence le riff de "L'enfant roi", je deviens comme prostrée, indisponible...

Par

le 25 févr. 2013

17 j'aime

1