Que ça te plaise ou que ça ne te plaise pas tu entends je m'en fous !

Bachelier de T°L ou non, parisianiste ou non, oulipien ou non, il n'y a pas de réponse au " pourquoi " quand on se demande ce qui peut bien pousser n'importe qui à lire Zazie dans le métro. Quintessence de l'oulipianisme et de la folie piétonnière et parisiano-déambulatoire de Queneau, Zazie est un réel bonheur à lire, un moment de sourire niais et exquis, comme le cadavre, une gigantesque dose de bonne humeur et d'enfance insouciante comme on aimerait en avoir. Zazie dans le métro, résolument moderne dès sa parution en 1959, sûrement à la fois par les jeux littéraires et par le caractère des personnages, Zazie en premier, emporte très vite dans son univers déjanté à la fois dans le sujet et dans les mots. Et s'il semble absurde d'être tenu en haleine par un livre qui n'a pas d'intrigue, c'est pourtant ce qui arrive ; on va se dire dès le début que rien n'a de sens, qu'il n'y aura pas de chute, alors qu'on se laissera surprendre par de très belles phrases, par des réflexions d'enfance, par des mots, dispatchés un peu partout, qui ont leur poids — et le film donne lieu à de belles déclamations de ces mots là.

Et pourtant, ce décalage qu'induisent les mots tient le spectateur dans un état à la fois d'étonnement et de gêne. Derrière les mots oulipiens et scientifiquement expérimentés pour produire leur effet, certains propos se retrouvent là avec une certaine gravité, qui semble forcément éclipsée derrière la forme comique, ou en tout cas populaire. Quelle est l'éducation de cette petite, quelle est l'écoute qu'on lui accorde au sein de sa famille, qu'est-ce qui bloque le monde des grandes personnes face à celui des enfants, qu'est-ce qui définit les âges, qu'est-ce qui définit les âges, et qu'est-ce qui définit les mots ? On se sent souvent forcé de passer outre le fond, l'histoire, pour savourer la forme, comme cela arrive souvent dans le roman moderne. Mais, dans les premiers chapitres, c'est quelque chose qui contribue au sens, cela introduit au spectateur l'univers étrange dans lequel il va entrer et qu'il va devoir prendre avec une certaine distance, sans que la compréhension du déroulement global, car il existe, ne soit gêné. Tout est mené avec la même force, mais sur la fin, tout semble se perdre dans le bal burlesque et le festival de personnages folkloriques de la foule parisienne auquel Zazie, comme le spectateur, comprend de moins en moins. Sur les derniers chapitres, on a l'impression d'assister à un rêve, à une véritable emprise des mots et de leur forme qui empêche de savourer l'œuvre comme on l'avait savourée au début, à la fois dans les personnages et à la fois dans les mots. Zazie s'endort, le spectateur s'écroule sous la folie des mots, mais cela a sûrement un sens, l'Oulipo n'a jamais été autre chose qu'un jeu littéraire, alors, derrière Paris, derrière le Panthéon-Invalides-Caserne de Reuilly, derrière l'aspect totalement cinématographique (Zazie dans le métro aurait peut-être gagné à être exploitée sur ce support à l'origine, sans attendre qu'on disserte sur les comparaisons Raymon Queneau / Louis Malle), derrière la tristesse de certains personnages, derrière les phrases qu'on peut répeter comme des phrases cultes à longueur de journée, derrière le " Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire ", et derrière l'enfance et le sourire émerveillé de Zazie, on peut trouver déjà une simple invitation ; jouons.
Ashen
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le 13 sept. 2013

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Ashen

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