"A l'ouest, rien de nouveau" est un roman donnant l'histoire fictive de soldats d'outre-rhin pendant la Grande guerre. L'ouvrage d'Erich Maria Remarque nous donne l'histoire de jeunes adultes, tout juste sortis de l'adolescence, la fleur au fusil. Mais il rappelle aussitôt que ces derniers sont plus matures que quiconque. Une histoire d'hommes soudés à vie mais condamnés par une expérience trop unique, trop intimiste.

Bien plus qu'un récit de guerre, qu'un formidable écrit pacifiste, c'est le rappel d'une tragédie. La tragédie d'hommes trompés, poussées et contraints à la brutalisation légalisée et légitimée, qui toucha des générations dont seules les nationalités et cultures fatalement séparaient. Un récit de l'indicible et d'un événement dramatique, qui nous rappelle le devoir de leur mémoire, de la fragilité de la paix.

Mais dès lors, comment rendre l'indicible ? Comment décrire, pour l'auteur, une expérience aussi fondamentalement personnelle à travers un roman ? Eric Maria Remarque nous dirige vers une littérature des sens, qu'il mêle aux éléments auxquels les protagonistes s'attachent inconsciemment. Il allie ainsi le bruit sourd des obus à la sensation d'un air fracturé, ou encore une vue aux aguets à la recherche d'un sol terreux, protecteur, dans lequel se renfermer. En conséquence, l'ouvrage se déroge des codes du récit de guerre, il nous fait "comprendre" la fatigue morale du soldat, rend l'humanité là où elle est perdue et devient aussitôt un livre éprouvant. Le protagoniste semble parfois lui-même perdu dans ses émotions, montrant ainsi le dramatique changement que connaît son être et son esprit. Il devient une nouvelle personne, qui ne peut se retrouver dans ce qui le caractérisait autrefois, mais seulement dans ce qu'il ne connait plus que parfaitement, un personnage qui alterne entre folie et profonde humanité.

L'autodafé et la déchéance de nationalité qu'ont connu l'oeuvre et son auteur n'auront que durablement inscrit la force de cet ouvrage pacifiste dans une histoire européenne.

Nestarte
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 13 déc. 2022

Critique lue 15 fois

Nestarte

Écrit par

Critique lue 15 fois

1

D'autres avis sur À l'Ouest, rien de nouveau

À l'Ouest, rien de nouveau

À l'Ouest, rien de nouveau

le 25 févr. 2013

Effroyablement actuel.

En effet, "A l'Ouest rien de nouveau" est atemporel à cause de son contexte : le déroulement de batailles horribles et bestiales. Bien entendu, on ne peut rattacher tous les aspects horrifiques...

À l'Ouest, rien de nouveau

À l'Ouest, rien de nouveau

le 3 mai 2024

La guerre a fait de nous des propres à rien"

Dans "Allons z'enfants" d'Yves Gibeau, Simon Chalumot, enfant de troupe malgré lui, découvre avec délices le film de Milestone puis dans la foulée, le roman "A l'ouest rien de nouveau" où il trouve,...

À l'Ouest, rien de nouveau

À l'Ouest, rien de nouveau

le 28 déc. 2014

Un incontournable sur la Première guerre mondiale

Ce livre doit être évoqué si l'on veut parler de cette guerre. En effet, son intérêt premier est de présenter le parcours d'un soldat allemand de la première guerre mondiale : Paul Bäumer. Cette...

Du même critique

Baghdad Central

Baghdad Central

le 16 avr. 2021

Protéger et survivre

Baghdad Central, le récit d'un inspecteur cherchant à protéger sa famille dans son pays post-invasion. Muhsin, éhonté par le précédent régime, voit l'Irak sombrer dans une escalade de tensions, de...

Homeland : Irak année zéro - Partie 1 : Avant la chute

Homeland : Irak année zéro - Partie 1 : Avant la chute

le 17 mai 2021

Une plongée dans le quotiden de la guerre

Avec Homeland Irak Année Zéro, Abbas Fahdel signe un documentaire en deux parties, où il a suivi sa propre famille et le peuple irakien pendant plusieurs mois, avant la chute de Saddam Hussein et...

Homeland : Irak année zéro - Partie 2 : Après la bataille

Homeland : Irak année zéro - Partie 2 : Après la bataille

le 17 mai 2021

Une plongée dans le quotiden de la guerre

Avec Homeland Irak Année Zéro, Abbas Fahdel signe un documentaire en deux parties, où il a suivi sa propre famille et le peuple irakien pendant plusieurs mois, avant la chute de Saddam Hussein et...