Je l'ai lu car j'ai une passion pour les récits de voyage, et celui-ci est une référence en la matière. Après en avoir beaucoup entendu parler, je me suis lancé.


Une première partie très dure. Pas ma préférée. Détention et torture durant un an, sans raison apparente, si ce n'est d'être un prisonnier de guerre ? Faux aveux arrachés grâce à la drogue. Procès absurde par des russes méprisants, l'accusant d'être un espion. Entassé dans un train avec 5000 autres malheureux prisonniers, comme de la vulgaire marchandise, de Moscou au lac Baïkal, dans des conditions horribles. Longue marche vers le cercle polaire durant 2 mois et en plein hiver. Même la vie au goulag durant 2 mois parait presque douce après ça, ce qui est déjà un premier point étrange.


Puis, enfin, c'est l'évasion ! Les 7 évadés feront preuve de qualités extraordinaires, audace, courage, résistance à toute épreuve au froid et la chaleur extrêmes, à la faim et à la soif...pour se battre pour le seul bien qui en vaille la peine : la liberté.


Malheureusement, les invraisemblances s'accumulent tout au long du livre, d'abord minimes. Paysage sibérien fait de buissons !? où la Taïga disparaît rapidement, cela ne collant pas avec les descriptions faites par Sylvain Tesson dans son livre L'Axe du Loup, qui traverse des marais le long de la Léna, et la Taïga jusqu'au sud du lac Baïkal... (Ca s'est vite reboisé en 60 ans !?) Où est passée la gigantesque vallée minière aurifère décrite également par Tesson, que Rawicz et ses hommes n'auraient pas pu éviter ?


Puis ces invraisemblances deviennent plus grosses.
Au départ, l'accent était mis sur la question du ravitaillement, par la chasse, la pêche, le vol et les rencontres fortuites et heureuses (avec les Bouriates, Mongols, Tibétains,...)
Mais, progressivement, ils oublient de préciser ces détails et les laps de temps deviennent plus flous. Ils tiennent une première semaine au Gobi avec leurs maigres rations, s'arrêtent dans une oasis, puis...continuent leur périple durant 2 semaines ? 3 ?
Désert de Gobi fait apparemment de dunes sableuses là où Tesson décrit des steppes et un désert rocheux. (Il décrit effectivement un cordon dunaire et sableux, mais sur une région très étroite).
Les semaines et les mois passent de plus en plus vite, en omettant le problème du ravitaillement. On les retrouve au Tibet, alors qu'ils auraient dû normalement franchir le corridor du Gansu, vallée fertile et très agricole exploité par les Chinois, passage historique de la route de la soie, encore une fois impossible à éviter.


Autre incohérence: eux qui sont épuisés, sous-alimentés et assoiffés, quasiment sans équipement, arrivent enfin devant Lhassa, capitale du Tibet, à des milliers de kilomètres des russes et dont ils parlaient déjà depuis un moment et...la contournent!...


Ensuite c'est la traversée de l'Himalaya. Ils franchissent la barrière montagneuse en 1 fois, assez simplement, là où il est décrit plusieurs chaînes de montagne. Dans ces régions désertes, à chaque fois qu'ils ont épuisé leurs rations alimentaires, ils tombent comme par magie sur des bergers tibétains... Passons sur le long passage improbable du couple de yétis...


Mais comme l'argumente Sylvain Tesson, les récits de voyage de l'époque pouvaient se permettre une bonne part d'exagération dans leur récit (comme Marco Polo), car qui pouvait aller vérifier leur véracité avec les moyens de l'époque ?


Le livre est néanmoins poignant dans ses rapports humains entre les évadés, dont le nombre réduit sans cesse (comme ce moment tragique dans le désert de Gobi, raconté simplement, qui m'a arraché des larmes). Solidarité et entraide dans la souffrance commune.
Et la traversée de l'Eurasie du nord au sud durant 1 an est effectivement spectaculaire...


Donc je conseille avec la lecture de ce livre, l'excellent ouvrage L'Axe du Loup.
Comme le conclue le talentueux Sylvain Tesson : Ce n'est pas parce que Rawicz et ses compagnons ne l'ont peut-être pas fait, que d'autres, anonymes ou non, n'ont pas réalisé cet exploit ! (Cornelius Rost, Vieux Croyants, Zecks, Tibétains...)

Sylveyrier
6
Écrit par

Créée

le 6 mai 2020

Critique lue 306 fois

Sylveyrier

Écrit par

Critique lue 306 fois

D'autres avis sur À marche forcée

À marche forcée
Nahitsu
5

A vérité forcée

Entre le roman d'évasion, le nature writing, le récit de guerre, de voyage et de survie, l'histoire contée par Sławomir Rawicz revêt de multiples atours. Le sceau autobiographique apposé sur...

le 27 mai 2013

5 j'aime

À marche forcée
batman1985
7

Est-ce bien vrai ?

Slawomir Rawicz n'a jamais confirmé ou infirmé qu'il avait bien vécu ce qu'il a raconté dans ce livre, A marche forcée : A pied du cercle polaire à l'Himalaya (1941-1942). A partir de là, difficile...

le 30 août 2023

1 j'aime

À marche forcée
juliearthur
6

Marquant, mais...

lu il y a plusieurs années, mais il me revient parfaitement en mémoire. C'était une commande pour un ami...une fois le bouquin acheté, impossible de ne pas être tentée de le lire avant de le livrer...

le 3 oct. 2016

1 j'aime

Du même critique

La Communauté de l'Anneau
Sylveyrier
9

Comme le film, en version enrichie

J'y suis arrivé... J'ai réussi à terminer ce "pavé" de 688 pages, réputé difficile à finir. Et, malgré effectivement une introduction assez longue (mais pas inutile) sur la vie des hobbits, le livre...

le 19 sept. 2022

2 j'aime

1

Buffy contre les vampires
Sylveyrier
10

La série anti-clichés

Désolé, gros pavé, proportionnel à mon amour pour cette série sous-estimée. Buffy contre les vampires, avec son titre (volontairement?) un peu ridicule et kitsch, est une série qui ressemble en...

le 13 juin 2020

2 j'aime

Prometheus
Sylveyrier
3

Promesse non tenue

Grand fan d'Alien (les 4 premiers, les autres n'existent pas) j'attendais ce film avec impatience. Ridley Scott, très humble, annonçait qu'il allait faire plus fort qu'Avatar, et puis qu'en fait ce...

le 5 déc. 2020

2 j'aime

2