Le tri étant à faire pour ce genre de compilations, je m'y suis mis pour vous. En espérant que vous apprécierez.


DE JUSTESSE
Des marchands, conduisant leurs ânes lourdement chargés, doivent pour gagner leur destination, une ville assez éloignée, emprunter un itinéraire avec lesquels ils ne sont pas familiers. Nasr Eddin est parmi eux.
Les voici arrivés au bord d'une rivière en crue ; un vieux pont de bois l'enjambe, qui semble bien vouloir rendre l'âme. Aux mises en garde du Hodja, la caravane, très pressée d'arriver, reste sourde, et préfère s'engager en file sur la passerelle...
Celle-ci, après avoir oscillé sous le poids qui augmente peu à peu, finit par céder d'un coup, précipitant à l'eau hommes, bêtes et marchandises.
- Par Allâh ! s'exclame Nasr Eddin, qui de la berge où il est prudemment resté regarde ses compagnons emportés par le courant, encore un peu et c'était une belle catastrophe !


UN HOMME A PRINCIPES
Au cours d'un voyage maritime, Nasr Eddin se trouve pris, avec d'autres personnes, dans une forte tempête. Le navire est de taille modeste, et il commence à se charger dangereusement d'eau. Le capitaine tente de parer au pire, et il ordonne à tous les passagers d'écoper énergiquement. Nasr Eddin, lui, au lieu de faire comme tout le monde, puise dans la mer avec un seau dont il jette le contenu sur le pont.
- Nasr Eddin, tu es fou ! se récrie-t-on. Tu veux donc notre perte à tous ?
- Ah, mes frères, il faut savoir mourir pour ses principes : moi, toute ma vie, je me suis mis du côté du plus fort.


DEUIL
Nasr Eddin se promène gravement dans les rues du village en grande tenue de deuil.
- Est-il arrivé malheur dans ta famille, Hodja ? lui demande quelqu'un au passage. Dans ce cas, je te présente mes condoléances et je t'assure de toute ma sympathie.
- Je te remercie, Abdullah : le père de mon fils est mort ce matin, et je me sens bien seul.


LA RÉPARTITION DES TÂCHES
Quelques amis, parmi lesquels Nasr Eddin, ont décidé d'organiser pour le lendemain un pique-nique au bord du lac. On se répartit la charge de l'approvisionnement.
- Moi, si vous voulez, propose l'un, je m'occupe des pains.
- D'accord, fait un autre, et moi des fruits.
- J'apporte les boissons, fait un troisième.
Et ainsi de suite jusqu'au Hodja, qui n'a rien encore suggéré.
- Et toi, Hodja, de quoi vas-tu nous régaler ?
- Mes amis, vous voulez que tout soit parfait ?
- Bien sûr !
- Vous voulez profiter pleinement de cette journée sans qu'aucun souci ne vienne l'assombrir ?
- Nous y comptons bien !
- Alors, empiffrons-nous, et moi je me charge de la malédiction d'Allâh, du Prophète (sws) et de tous les anges réunis.


L'INVITE D'ALLÂH
On frappe. Nasr Eddin va ouvrir : c'est un mendiant qu'il ne connaît pas.
- Qui es-tu ? Que veux-tu ? lui demande-t-il.
- Laisse-moi entrer et donne-moi vite à manger, fait l'homme en l'écartant rudement le maître de maison, car je suis l'invité d'Allâh.
- Tu t'es trompé d'adresse, mon ami - et, lui montrant la mosquée tout proche : C'est là-bas qu'Il t'attend, dit en refoulant le Hodja.


LE VOILE
Nasr Eddin et son épouse Khadija sont en train de manger lorsque soudain il lui commande :
- Allons, fille de l'oncle, découvre donc un peu ton visage !
- Pour quoi faire, mon mari ?
- Je te dis de retirer ce voile dont tu t'entoures la tête.
- Donne-m'en la raison !
- La voici : si tu découvres ton visage, les anges vont s'enfuir et les démons arriver. Je vais alors réciter les formules sacramentelles qui les chasseront à leur tour. Ainsi nous pourrons enfin manger tranquillement en tête à tête sans tout ce monde autour de nous.


UN ENFANT MERVEILLEUX
Son fils ayant atteint l'âge de sept ans, Nasr Eddin estime qu'il est temps de lui inculquer des rudiments d'instruction religieuse. Il le prend donc à part et, après l'avoir assis en face de lui, lui enseigne la grandeur d'Allâh, la création du monde, le paradis et l'enfer, la mission du Prophète (sws).
L'enfant ne dit mot, mais il semble bien attentif. Cette première leçon finie, son père lui demande :
- Alors, as-tu bien compris ce que je t'ai dit ?
Mais le petit baisse la tête, l'air confus.
- Je sais, poursuit le Hodja, tout cela est nouveau pour toi, et, de plus, difficile. Nous en reparlerons. M'as-tu bien écouté au moins ?
L'enfant semble de plus en plus honteux, au bord des larmes.
- Comment, tu n'as même pas écouté ! s'indigne Nasr Eddin. Alors qu'as-tu fait pendant tout ce temps ? Tu as rêvassé comme d'habitude.
- Non, père, mais il y avait une mouche qui n'arrêtait pas de tourner autour de mon turban. C'est elle qui m'a pris toute mon attention.
A ces mots, Nasr Eddin se lève tout joyeux et se précipite à la cuisine où se trouve sa femme :
- Khadija ! Khadija ! Notre enfant est merveilleux. C'est déjà un grand sage.


C'est la première fournée, j'en remettrai plus tard insha Allâh !

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le 11 nov. 2016

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