On n'oublie pas les personnes et les événements qui ont fait de vous l'homme que vous êtes aujourd'hui. Corey Sifter, lui, n'a jamais cessé de revenir aux événements dramatiques auxquels il assiste au début des années 1970, alors qu'il aide le patricien local à organiser la campagne d'un homme politique. De son écriture fine et sensible, Ethan Canin offre dans ce roman de coming of age, équivalent anglophone du roman d'apprentissage, une réflexion profonde sur l'Homme. Le portrait nuancé dessiné par Sifter de son entourage - notamment celui de son mentor - insiste sur la dualité de la nature humaine, où coexistent la volonté d’aider et la possibilité de faire du mal. Au-delà, c’est la politique qui est mise à nu dans cette histoire personnelle, brodée avec maîtrise sur un canevas de faits réels. Pour Sifter, fils de syndicaliste, les années 1970 ont signé le début de la fin pour les démocrates, et donc pour la "working class" dont il est issu. Si la situation a changé après le regain d’espoir qu’a occasionné l’élection d’Obama – le roman date de début 2008 –, ce témoignage du désenchantement démocrate qui frappa l’Amérique n’en reste pas moins juste. Mais une désillusion plus profonde traverse ce roman, et découle de l’affaissement d’un socle de la mythologie américaine : les fils des "self-made men" dénués de scrupules du début du XXe siècle tombent dans les mêmes travers que leurs pères, en essayant d’expier leurs fautes. C’est là la pente descendante du “rêve américain”, et ceux qui la dévalent hanteront à jamais les souvenirs des témoins de leur chute.
polidjin
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 31 août 2011

Modifiée

le 1 juin 2013

Critique lue 159 fois

polidjin

Écrit par

Critique lue 159 fois

D'autres avis sur America America

America America
Plume
2

Critique de America America par Plume

Corey Sifter, journaliste, assiste à l'enterrement d'un sénateur. Adolescent, par le biais d'une riche famille dont il est proche, il a assisté et participé à la campagne présidentielle de cet homme,...

le 27 oct. 2010

Du même critique

Le Général sudiste de Big Sur
polidjin
8

Critique de Le Général sudiste de Big Sur par polidjin

Dans ce roman protéiforme, paru en 1964 et symbolique de l'esprit beatnik duquel pourtant Richard Brautigan restait en marge, l'imagination comme les hommes se laissent libre cours. Personnages...

le 31 août 2011

10 j'aime

1

Anna Karénine
polidjin
5

Critique de Anna Karénine par polidjin

Le début se lit et se suit comme une série télévisée contemporaine, avec gourmandise. Puis on se laisse rattraper par les différences d'époque, pour finir le livre en se disant qu'Anna est une petite...

le 25 juil. 2012

9 j'aime

Will Hunting
polidjin
9

Critique de Will Hunting par polidjin

C'est vrai qu'il y a du cliché, que le déroulement de la thérapie ne fait pas réaliste (mais franchement, à moins de suivre les séances du début à la fin, comment le pourrait-elle ?), que c'est un...

le 9 juin 2013

7 j'aime