Aussi étonnant que cela puisse paraître ce livre est mauvais

Oui ce livre est mauvais.


Instantanément vous devez espérer que je sois un raciste plus ou moins refoulé, un intellectuel n'ayant pas aimé la thèse du livre voire un petit blanc vexé. Il n'en est rien, ce livre comporte des erreurs, approximations et fautes de gout, là est la vérité.


Si je devais décrire ce livre en une phrase je dirais : "un Romain Gary, le talent en moins". Il y a la même arrogance, cette sûreté erronée de croire qu'on a raison de tout, sauf que Romain Gary aussi imbu de lui même qu'il soit, est un génie dans les postulats qu'il fait.


Ce livre est encensé par tous, car il est impossible de le critiquer. Les BCBG / bobos sont trop heureux de pouvoir se vanter de lire de la "littérature africaine", l'amérique blanche n'a pas osé critiquer le livre d'une noire, gardant ses critiques entre ses dents et sa gorge. Par dessus tout le paternalisme occidental aime à féliciter l'africain d'avoir apporté sa pierre à l'édifice. Bon nombre de critique de ce livre ne sont pas des critiques de fonds et sont pathétiquement plates (le sujet de la race fait peur donc on reste sur du superficiel stupide et limité). Ces félicitations dans leur très large majorité s'apparentent à la tape d'un père sur l'épaule de son fils après son premier "home run".


Sans plus tarder permettez moi de dénoncer les incalculables fautes (il n'y a pas d'autres mots) de ce livre :



  • Les personnages sont des caricatures.
    Aucun personnage de ce livre n'est un être humain, tous sont des caricatures qui rendent tous les personnages irrespirables. La famille américaine aisée qui à deux enfants, Blaine dans l'intellectuel trop intellectualisé, la soeur de Blaine, la tante qui fait des études, mêmes les deux personnages principaux sont complètement caricaturés : beaux, intelligents, forts, courageux.... Le seul "défaut" de la perfection chez Ifemelu c'est qu'à un moment elle est obèse et c'est à peu près tout. Même leurs erreurs sont caricaturales, trop nobles pour être honnête. Lorsqu'on apprend qu'Ifemelu trompe Curt, je me rappelle être heureux de voir de l'humain, quelque chose de peu noble, de presque naturel dans ce personnage moins gravé dans la chaire d'un humain que celui d'une statue grecque. Erreur... Ifemelu ne l'a pas fait par envie grivoise, par spontanéité méchante, par une envie de corps, non elle a "cherché une nouvelle expérience", elle a "recherché une émotion". Même quelque chose de sale, devient poétique...


Je n'arrive pas à déterminer si c'est fait entièrement exprès ou non. Je ne peux m'empêcher de penser que ce n'est pas tout à fait voulu.


Il y a un écueil à cela : Les personnages sont réduits à être des sentiments vus sous l'unique prisme de l'auteur. Ainsi son récit de ces gens est biaisé par une subjectivité digne d'un adolescent se croyant au centre du monde, pas d'une écrivaine.


Exemple : Le récit qu'elle fait de Emenike, le jeune nigérian qui fuit son pays pour essayer de s'assimiler complètement à l'Angleterre est ridicule. On comprend que l'écrivaine déteste cela. Elle déforme le personnage, le fait passer pour un minable, mais ne restitue pas le processus EXTRÊMEMENT complexe qui existe chez une personne pour abandonner son pays d'origine pour un autre.



  • Une arrogance sans limite (#RomainGary)


Tout ce que dit l'auteur (au travers de ses deux personnages principaux qui sont bien entendus des marionnettes lui permettant de faire son speech) est vrai, tout ce que pense les autres est faux. Il y a une arrogance et une incapacité à se mettre à la place des autres qui semble presque maladif chez cette auteur.


Cela culmine lors du passage avec la poétesse haïtienne. Cette dernière dit que la race n'a jamais été un problème dans son couple, madame-j'ai-toujours-raison la critique et la "remet" à sa place en public.


Deux choses sur ce passage. D'abord, l'écrivaine est tellement perdue dans ses idées qu'elle en s'en rend pas compte qu'elle ne répond pas à ce que dit l'haïtienne (je ne vais pas tout faire pour vous, relisez le passage attentivement et vous comprendrez le décalage de sa réponse) et elle est incapable de comprendre le point de vue du "blanc" dans le couple. Ifemelu critique que le copain blanc puisse lui rétorquer qu'il y a 40 ans leur couple ne serait pas possible car au final pourquoi était il déjà impossible à l'époque. Ne peux tu pas ouvrir les yeux ? Ne penses tu pas que ton "copain blanc" pense EXACTEMENT la même chose ? Ne penses tu pas qu'il ne va jamais te répondre une connerie pareille ? ....



  • Tous les blancs sont cons


Réfléchissez 30 secondes et trouvez moi un blanc qui soit à son avantage dans ce livre : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30. Réponse ? Aucun. Ceux qui s'en rapprochent le plus sont peut être Nigel (et franchement qui veut être Nigel ?) et Curt (un fils à papa républicain, qui ne fait rien de sa vie).


Tous les blancs sont des outils au service du discours que veut faire l'écrivaine, se permettant de les faire passer pour des débiles à tout bout de champ.


Exemple : la fois du magasine avec Curt. Ce dernier a t il vraiment pu imaginer qu'un magazine de maquillage et d'entretien de soi spécialement pour les noirs puisse être raciste !? En réalité l'écrivaine se sert de cette débilité de Curt pour faire un speech sur la non représentation des femmes noires dans ce genre de magazine. L'idée est honorable mais faite sur la carcasse d'un Curt ne rendant pas fier sa "race" alors que le livre ne parle que de cet aspect déplaisant des relations humaines et sociologique (je parle de la race). C'est maladroit et mal fait.



  • L'angle d'une intellectuelle


Le point sera bref rassurez vous. Quand on parle de sujets populaires, on ne peut pas le faire avec ceux d'une intellectuelle n'y connaissant rien. Les descriptions de certains problèmes aux USA sont ridicules du simple fait que la personne qui en parle (l'écrivaine donc) ne sait pas de quoi elle parle, ne connait pas ce dont elle parle.


Je m'arrête là et pourtant il y a encore de quoi parler. Je suis quelque peu navré de l'uniformisme des critiques vides que je lis sur ce livre. Il y a tant de chose dont on devrait parler sur celui-ci.


Je précise que je serais très intéressé à l'idée de discuter de ce livre avec une personne qui l'a apprécié.

manoularcador
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le 10 déc. 2016

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manoularcador

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