Memory is our only reality

Lu en anglais, ce dernier livre de Christopher Priest est une petite merveille, que ce soit par sa thématique ou le style adopté par l’auteur. Œuvre d’anticipation, roman d’investigation, témoignage… An American Story recèle de nombreux atouts. S’adressant sans doute plus à un public américain qu’européen, Priest décide d’aborder de front l’évènement traumatique qui a défini l’histoire récente de l’Occident : les attentats du 11-Septembre. Sans verser dans le complotisme exubérant qu’on peut voir, l’auteur n’hésitera pas à pousser son lecteur à se poser des questions sur la version officielle de la Commission d’enquête.

Motivé par un drame personnel, Ben va enlever une à une les couches de secret qui entourent cet évènement qui nous a tous marqué, l’abordant parfois de front. L’intelligence de Priest n’est pas forcément de proposer une théorie qui explique tout (le roman aura sa conclusion fictionnelle, mais on sent clairement que c’est pour conclure l’arc de Ben plutôt que celui des attentats), mais de proposer des éléments nous poussant à réfléchir, d’assumer son approche et surtout de prendre conscience de ce qu’a pu être le 11-Septembre, aussi bien sur le plan personnel que mondial.

Bien sûr, le roman aura sa propre dynamique et sa propre logique, donc ça sera romancé et le message que Priest veut transmettre et le propos qu’il veut mettre en place y trouveront des échos, mais ça n’alourdit pas l’ensemble. Au contraire, entre une intrigue très bien mené et rythmé, malgré le peu de dialogues et d’action, un style fluide et captivant, et des personnages extrêmement réalistes et crédibles dans leurs réactions et émotions, le tout fonctionne à merveille et on en ressort sans déception.

An American Story est une réussite à tous les niveaux, et sans doute le bon bouquin au bon moment. Tout en se projetant dans un avenir proche, presque dystopique par certains aspects mais terriblement crédible, Priest nous rappelle que les conséquences ne doivent pas occulter les causes. La conclusion n’en sera que plus glaçante.