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Antéchrista
6.2
Antéchrista

livre de Amélie Nothomb (2003)

Quand on ouvre la porte au Diable, on laisse les enfers entrer

Antéchrista est un roman où Amélie Nothomb raconte l'histoire de Blanche. Un personnage qui se rapproche beaucoup de ce qu'elle a vécu à l'université. Pour avoir regardé un documentaire sur elle, et de nombreuses interviews à son sujet, on comprend vite les liens qui existent entre la protagoniste dont le prénom est réduit à une couleur (une absence de teinte même), et Nothomb.


La vie de Blanche est décrite de manière très exagérée : elle se sent terriblement seule, aimerait se faire des ami.e.s, et avoir la sensation d'exister pour les autres. Le prénom choisi pour l'anti-héroïne fait vite sens, et on plonge dans le quotidien morne et vide de la jeune femme. Tout est amplifié pour marquer l'extrême solitude dans laquelle elle se sent enfermée. Dès les premiers échanges avec Christa, c'est comme une bénédiction ! Et son prénom est également bien choisi, car décrite comme un miracle incarnant tout ce que Blanche souhaite être, qui daigne enfin la voir, même si plus ordinaire d'après son regard (et celui que les autres lui renvoient), mais qui est aussi une créature de Dieu. Désirant maintenir ce lien amical presque surnaturel, et inattendu, Blanche propose généreusement à Christa de lui rendre un service, avec une naïveté admirable. La reconnaissance est disproportionnée, ce qu'elle ressent envers cette personne, qui a juste remarqué son existence, sera le début de ses mésaventures.


Tout dérape quand Christa s'en prend à elle dans un cadre privé (violences physiques et psychologiques), dans le seul lieu que Blanche n'avait jamais partagé avec qui que ce soit auparavant, et où elle peut se réfugier : sa chambre. L'enfant miracle n'est autre que l'ange déchu. Les horreurs psychologiques vécues par Blanche ne cesseront d'empirer. Ses parents seront charmé.e.s par ce serpent dont les sifflements insisteront sur son statut de martyre en bois. Ainsi, Blanche connaîtra des moments très difficiles qui vont la transformer, la poussant au-delà de ses limites pour révéler au grand jour le véritable visage de ce chérubin aux intentions viles : Antéchrista.


C'était une lecture assez éprouvante. Les violences que subit Blanche ne sont pas faciles à lire quand on a vécu des choses similaires. Comme il s'agit d'un roman écrit avec une focalisation interne, il est difficile de ne pas prendre parti pour Blanche, même quand elle ose dire des choses affreuses (notamment grossophobes il me semble). Pourtant, on ne peut s'empêcher de désirer autant qu'elle une vengeance digne de toutes ses souffrances. C'est là que tout l'art de Nothomb entre en jeu. L'indignation, l'humiliation, alors que nous connaissons la vérité et qu'elle est sans cesse niée et détournée, tous ces sentiments décrits nous parlent tellement que même s'ils sont présentés sous forme d'hyperboles, on attend avec impatience un renversement de situation, et de pouvoir. Quand Christa, tel le Diable, prend possession de ses parents, de son environnement et même de ses loisirs les plus réconfortants, toute la puissance de ces ressentiments est multipliée. La fin est exquise, bien que prévisible sur certains aspects. La colère et l'indignation deviennent sa force.


En revanche je n'ai pas du tout apprécié le baiser volé que Blanche effectue avec fierté. C'est montré comme un rebondissement qui témoigne de l'incroyable évolution de Blanche, et même si c'est plus symbolique qu'autre chose, c'est pas un truc à faire. Le baiser forcé : non. Forcer c'est pas de la justice, c'est de la violence, en sachant qu'à ce moment de l'histoire, Christa a déjà "perdu".


Je me doutais que Christa n'était pas une jeune femme misérable vivant dans une pauvreté sans nom, en revanche apprendre qu'elle bénéficiait d'une générosité incroyable alors qu'elle avait tous les privilèges de la Société (elle correspond aux normes de beauté, elle est riche, blanche haha) c'était assez réussi comme revirement. Encore plus quand elle a tout tenté pour détruire et diffamer toute la famille de Blanche suite à la découverte de ses horribles mensonges. Nothomb parle souvent des exclu.e.s, de celleux qui sont constamment rejeté.e.s en comparaison à celleux qui ont tous les avantages, ce n'est donc pas si surprenant, mais tout aussi plaisant. Son discours manque de nuance je trouve. Sur certains concepts je rejoins un peu sa réflexion, mais pour d'autres vachement moins (surtout concernant la beauté, la laideur).


Quelques situations ironiques avec un humour drôle et amer à la fois adoucissent quelque peu les instants difficiles qu'a pu vivre Blanche.
Blanche n'est pas parfaite : elle en veut à ce monde entier qui ne la remarque pas, avec des fois un air assez condescendant j'ai l'impression. Elle est jalouse, envieuse, rancunière, à cause de son profond manque d'attention. Ce n'est pas que la couleur de l'innocence, de la fragilité, ou de la pudeur, c'est aussi je crois celle d'un vide cosmique. Elle n'est pas lumineuse, car personne ne la voit. Elle est un corps, une personne presque transparente. Pourtant, dans toute son humanité, on finit par l'apprécier, car on se reconnaît, même un peu, en elle. Le langage de l'autrice rend le tout agréable à lire. Ses ouvrages ne sont jamais longs donc très rapides à lire si vous souhaitez le découvrir.

GardinMinta

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