Voici un livre d'une force exceptionnelle. Ambitieux par sa forme, dense par la multiplicité des angles sous lesquelles le phénomène de la guerre est abordé et riche par les thèmes qui y sont abordés, Arbre de fumée ne comporte pourtant pas d'intrigue. En lieu et place, on suit la destinée d'une demi douzaine de personnages propulsés, à différents niveaux, dans le déroulement des opérations américaines dans le Sud Est asiatique au cours des années 60.
On suivra surtout William ‘Skip' Sands, jeune Américain idéaliste qui souhaite devenir agent de la CIA au Vietnam pour stopper la progression du communisme dans cette partie du globe. Placé sous les ordres de son oncle Francis, personnage plus grand que nature et chef d'antenne de la CIA à Manille, Skip aura pour tâche de tenir à jour les données d'un mystérieux fichier sous couvert d'étudier les contes et légendes du Vietnam. Sur le temps que lui laisse sa mission, il entreprend une relation érotique avec Kathy, une missionnaire laïque canadienne dont il tombe plus ou moins amoureux, traduit Antonin Artaud et lit Cioran. Surtout, il débat avec son oncle et son entourage d'une opération de désinformation visant les autorités du Nord Vietnam.
Pour faire pendant, à ce groupe de comploteurs, dirait-on, Denis Johnson crée deux inoubliables personnages de paumés : Bill Houston (déjà présent dans son recueil de nouvelles Jesus' Son) et son jeune frère James. Tous deux engagés dans la guerre pour échapper à l'ennui d'une vie sans issu, ces personnages sont, comme la plupart de ceux qui peuplent Arbre de fumée, emblématiques d'une Amérique qui perd peu à peu ses repères. Autour de ces deux groupes de protagonistes gravitent un certain nombre de personnages secondaires dont deux Vietnamiens, collaborateurs des Américains, une travailleuse humanitaire torturée dans sa foi et une nuée de représentants d'agences de renseignements américaines présents sur le terrain.
Ce compte rendu trop sommaire ne rend pas justice à la richesse du texte d'Arbre de fumée. Surtout pas à la profonde humanité avec laquelle Denis Johnson rend compte de ces destinées égarées dans le labyrinthe d'une guerre qui finira par les engloutir. de ce récit des innocences perdues, on retiendra également le génie du détail dont l'auteur fait preuve dans la restitution du cadre de cette guerre.

HenriMesquidaJr
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le 22 mai 2018

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