Nancy Huston excelle à décrire les douleurs les plus dures. Douleurs privées : parents enfants ; la maternité ; la filiation. Douleurs de l’histoire : l’esclavage ; la colonisation ; la Shoa.
Arbre de l’oubli présente un catalogue complet de toutes les souffrances possibles et pour compliquer le tout, dans un enchevêtrement de courts chapitres qui mélangent les histoires et les époques. Dès la première page, à Ouagadougou, on nous indique que « l’Afrique est un rude choc » avec une puanteur qui « vient du plastique européen qui brule … »Au second chapitre qui se déroule dans le Bronx en 1945, Joel encore enfant et qui sera un des principaux personnages, entend ses parents pleurer en apprenant qu’une partie de la famille restée en Europe a péri dans l’Holocauste.
Avant la page 40 un vieux dégoutant, par ailleurs professeur de piano, glisse sa main dans la culotte d’une petite fille. Ce qui a pour effet d’éloigner Lili-Rose de la musique mais surtout de la marquer à vie. Devenue universitaire, elle exposera que « de nos jours, une majorité des femmes subissent, une forme ou une autre d’abus sexuel durant leur enfance … »
Après bien des drames au cours desquels on aura évoqué, entre autres, les conflits de Joel et son frère sous le regard d’une mère juive caricaturale ; la traite négrière ; l’excision des jeunes africaines, Lili-Rose et Joel vont se marier (second mariage pour chacun) mais ils ne pourront avoir d’enfant.
Qu’à cela ne tienne, Joel va confier ses spermatozoïdes à Selma, une jeune noire (il faut dire marron) de Baltimore qui a besoin d’agent et pour 30 000 dollars lui confectionnera un rejeton.
Shayna supportera difficilement ce que suppose sa couleur de peau. Elle dont on lui dit qu’elle est la fille d’une professeure WASP et d’un célèbre universitaire juif de la côte Est.
Les angoisses de sa recherche d’identité constitueront la trame du roman. Il est surprenant que Nancy Huston qui vibre avec toutes les douleurs de tous les temps décrive sans émotion l’achat du ventre d’une femme pour fabrique un enfant. Le fait de prendre livraison de celui-ci contre un chèque sans égards pour la génitrice et pour ce qui s’est passé entre la mère et l’enfant pendant 9 mois.
Étonnant amoncellement de souffrances, too much, ce livre se lit néanmoins grâce à la belle écriture de l’auteure.