Troisième tome de cette étrange série, les Voyageurs. Ou encore l'humanité dans l'espace, après l'épuisement total et définitif de la terre. A une époque indéfinie, mais certainement très future. Il s'agit ici d'un roman dont le lieu est la flotte de l'exode, à bord de laquelle les derniers humains quittèrent la terre. Exode qui s'est déroulé bien des générations avant la trame de ce bouquin. Mais il se trouve que certains humains, certaines lignées humaines sont restées dans les immenses vaisseaux qui leur permirent de rencontrer d'autres espèces et de s'implanter sur d'autres planètes, dans d'autres galaxies. Vaisseaux qui sont désormais en orbite autour d'un soleil, généreusement mis à disposition de la flotte par l'union galactique.
A travers un roman choral, Chambers nous fait découvrir cette micro-société, dont les modes de vie à bord n'ont guère évolué depuis le départ de la terre. Micro-société qui repose toujours sur le recyclage et la réutilisation systématique d'à peu près tout, y compris des cadavres, compostés et recyclés à l'issue d'une cérémonie funéraire. Micro-société qui a banni l'argent et fonctionne sur le troc et le volontariat pour ce qui est du travail. Il y a du Ursula Le Guin dans ce bouquin, on pense évidemment aux Dépossédés. Avec un côté solarpunk, qu'Ursula ne pouvait guère imaginer à son époque.
La profondeur sociologique du livre a néanmoins son revers : c'est très lent au début et il ne se passe pas grand chose; pas de voyage dans une société voisine comme dans les Dépossédés, et donc pas ou peu d'événements pour rythmer le récit. Le lecteur ressent véritablement une impression d'errance. Au point que j'ai mis un temps fou, de chapitre en chapitre à tomber la première moitié du bouquin. L'avantage toutefois de ce trait, c'est qu'il permet de poser en profondeur les cinq ou six personnages principaux du bouquin, évoqués en alternance. Et de préparer une seconde partie où les situations, sans véritablement s’accélérer de folie, se dénouent. Et là, c'est très réussi comme si la lenteur du début avait fait peu à peu monter la tension. Car la fin est superbe, belle et émouvante, par la foi dans l'humanité qu'elle exprime et sans jamais tomber dans la mièvrerie. Et du coup, j'ai terminé ma lecture d'un seul trait ou presque. Voilà, je n'en dirai pas pas plus, mais ça vaut la peine de s'accrocher.