Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l'ouest par des chemins, à l'est pas un cours d'eau... Un titre incroyablement long, pour un roman qui ne l'est pas tant que ça, mais qui garde ce qui fait le suc de l'oeuvre du grand écrivain hongrois László Krasznahorkai, c'est-à-dire : les phrases longues.


La respiration unique de ses écrits, celle qui peint les grands drames des régions de l'Est profonde, où l'on suit de pauvres types en guenilles dans le bourbier de leurs existences et de leurs interrogations. Un petit air à la Gorki, avec plus de mélancolie que de cynisme.


Mais ici, Krasznahorkai pose un décor pour le moins inhabituel : celui d'un Japon féodal avec le petit-fils du Genji à la recherche d'un jardin dont il a lu la beauté dans un ouvrage regroupant les 100 plus beaux jardins, justement.
Dévoré par le goût du sublime, le prince enverra sa cour chercher ce lieu unique et, tandis qu'il finit par se perdre dans un dédale de rues, voilà que nous sommes surpris par la description d'un temple...


Tout l'enjeu du livre est dans la précision de ses descriptions, qui frôlent la technicité pure de la construction d'un temple. Cela en devient abstrait. Le regard toujours sur le fil du pragmatisme et de l'effet hypnotique d'une phrase sans fin.
Chez Krasznahorkai l'écriture est un flux qui ne cesse jamais. Des nouvelles en une seule phrase, il y en a dans Seiobo est descendue sur terre. Et quand le nombres de phrases se fait plus conséquent, alors c'est le rythme qui porte en lui l'infini d'une danse... Le Tango de Satan ne porte pas son nom pour rien. Ce titre-ci a par ailleurs été adapté par le cinéaste Bela Tarr, dans un film de plus de six heures, en noir et blanc. Le spectateur patient saura goûter le silence et la longueur des plans, autant qu'un lecteur sentira le souffle aigre d'un des protagonistes.


Scénariste attitré de Bela Tarr, Krasnahorkai, au-delà de simples adaptations, a su former son regard à une écriture visuelle. Dans Au nord par une montagne... nous retrouvons à ce propos une approche très cinématographique, plan par plan, dans un montage rigoureux où la déambulation du petit-fils du Genji vacille entre errance et course au trésor.


Quant au trésor qu'il cherche, ça...


-> Critique publiée ici, aussi.

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le 6 nov. 2021

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