La Révolution n'est pas un dîner de gala

Premier contact avec Yan Lianke écrivain chinois, né en 1958. Ce roman écrit en 2000 est traduit seulement en 2025 en français.

Il évoque avec une ironie grinçante la période de la «Grande Révolution Culturelle Prolétarienne » prônée par le génial Président Mao pour s’affranchir des dirigeants du Parti qui prévoyaient de le mettre à l’écart après ses échecs qui ont couté des millions de morts à la Chine. 

« Feu sur le quartier général » préconisait Mao en aout 1966.

Dans ce roman de YAN Lianke, le jeune Tsé-toung (prénommé comme Mao) est libéré de l’armée en 1967 et rentre dans son village pour rejoindre sa famille et faire la révolution d’autant que son beau-père lui a promis sa place de maire. 

Sur le chemin du retour, dans une gare, il rencontre Rouge Mei qui le séduit en exhibant ses pieds : « Délaçant soudain ses chaussures, elle les retira, deux pieds, dix ongles jaillirent dans un fracas retentissant. Ciel ô ciel, terre ô terre, ces dix ongles étaient d’un rouge écarlate aveuglant, … ». Il est d’autant plus fasciné qu’au même moment les haut-parleurs de la gare hurlent les puissants slogans révolutionnaires « A bas les impérialistes américains, les révisionnistes soviétiques et la clique réactionnaires » et que Rouge Mei entreprend de déboutonner lentement sa chemise et la pose à côté d’elle. Bouleversé par « les monts replets et enneigés de ses seins », il lui propose « semons aujourd’hui les graines de l’amitié, que l’amitié révolutionnaire soit éternelle. »

Ainsi sont posés tous les ressorts du roman : la foi dans les principes révolutionnaires développés par les slogans et la logorrhée maoïste et l’amour fou de ce couple adultère dont la passion de plus en plus exubérante est exprimée en termes lyriques et réalistes.Dans cette épopée à l’échelle d’une minuscule vallée la conquête du pouvoir par ces révolutionnaires aussi roublards qu’exaltés dopés par le Petit livre rouge et les sophismes de la propagande du parti est racontée par Tsé-Toung lui-même qui ne cache rien de ses ambitions personnelles enfouies dans des formules ampoulées telles que « le fondement théorique qui guide notre pensée est le marxisme-léninisme. »

Le récit mêle le lyrisme et le cynisme pseudo révolutionnaire. Les pages qui racontent la passion entre les deux amants ont souvent des accents très poétiques et peignent une émotion sincère, mais le carriérisme n’est jamais loin.L’abondance des formules ampoulée à prétention philosophique marxiste est parfois fatigante pour le lecteur mais permet de tourner en dérision la grossière propagande qui a bouleversé toute la Chine.

Croisant le mari de Rouge Mei, un instituteur honnête et sincère, Tsé-Toung note : « il avait l’air raffiné de l’homme cultivé, la bonne tête de celui que les flots de la révolution allaient emporter.»